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Libération
Décryptage

Un tremblement de terre redouté, mais mal préparé

La vallée de Katmandou, région de forte activité sismique dotée d’un sol meuble, est aussi une zone surpeuplée.

Le corps d'une femme au milieu des décombres, à Bhadgaon, dans la vallée de Katmandou, dimanche 26 avril 2015. (Photo Niranjan Shrestha. AP)
Publié le 26/04/2015 à 19h36

Le 17 janvier, le Népal organisait l’édition annuelle de la Journée de la sécurité en cas de tremblement de terre. Entre diffusion de messages expliquant comment se protéger quand la terre se met à trembler et exercices d’entraînement de volontaires, le gouvernement népalais tentait de préparer la population à l’inévitable : le chaos provoqué par un séisme majeur. Depuis des années, les sismologues affirment que la question n’est pas de savoir s’il aura lieu, mais quand. Il s’est finalement produit samedi.

Pourquoi ce séisme était-il prévisible ?

L’explication remonte à 106 millions d’années. Le sous-continent indien se détache alors de l’Afrique. Comme une île qui se déplacerait sur la croûte terrestre, il lui faut un peu moins de 50 millions d’années pour entrer en collision avec la plaque eurasienne. La plaque indienne n’a eu de cesse, depuis, de se glisser dessous, à la vitesse moyenne de 4 centimètres par an. Ces collisions entre les deux blocs ont engendré la formation de la chaîne de l’Himalaya. Ce sont aussi elles qui provoquent des tremblements de terre. Samedi, elles ont causé la rupture d’une faille de 150 kilomètres de long, 50 de large et environ 20 de profondeur, en une centaine de secondes seulement.

«Le séisme de samedi ne constitue pas une surprise. Nous savions que nous étions très proches d'un seuil de rupture. La croûte terrestre peut se déformer et encaisser des forces, comme une règle en plastique que l'on tord. Mais au bout d'un moment, elle casse», explique Yann Klinger, tectonicien à l'Institut de physique du globe de Paris.

L'ampleur du séisme de samedi n'est pas inédite. En janvier 1934, un tremblement de terre de magnitude 8,1 avait causé la mort de plus de 10 700 personnes dans l'est du pays et dans la province indienne voisine de Bihar. Katmandou avait également été rasé en 1255. «Nous cherchons à déterminer quand ont eu lieu des séismes plus anciens dans cette région», poursuit Yann Klinger. Entre ces deux épisodes majeurs, la terre a régulièrement tremblé au Népal. En 1988, un séisme de magnitude 6,8 avait tué plus de 1 000 personnes. Et chaque année, la région subit plusieurs centaines de microsecousses.

Pourquoi la vallée de Katmandou est-elle si vulnérable ?

Cela tient à la nature du sol. La capitale du Népal s'est construite sur un ancien lac asséché. Le sol, constitué de sédiments, est donc meuble. «Sous l'effet des ondes sismiques, ils perdent leur cohérence. Cela se traduit par une amplification des ondes localement», explique Yann Klinger. Ces bassins de dépôts lacustres favorisent également la propagation du séisme. Celui de samedi a été ressenti jusqu'au Bangladesh et en Chine.

Sur quelle période les répliques s’étaleront-elles ?

Au vu de l'ampleur du séisme de samedi, les experts n'excluent pas qu'elles durent entre un an et dix-huit mois. «Il ne serait pas surprenant que l'on observe une à deux répliques de magnitude 7, puis entre 10 et 20 de magnitude 6 ou 6,5. Le retour à la normale prendra plusieurs mois», précise Yann Klinger. Pour l'heure, la réplique la plus forte a atteint dimanche une magnitude de 6,7 au nord-ouest de Katmandou, à proximité de la frontière chinoise, selon l'Institut américain de géophysique. Elle a été ressentie jusqu'au mont Everest, où elle a provoqué de nouvelles avalanches (lire aussi ci-contre).

Le Népal peut-il gérer les conséquences d’un tel séisme ?

Non. Le 12 avril, Geohazards International, une organisation spécialisée dans les risques liés aux séismes, a actualisé l'une de ses études et pointé la vulnérabilité et l'impréparation du Népal. «Avec une croissance de la population de 6,5% par an et une densité urbaine parmi les plus élevées du monde, les 1,5 million d'habitants de la vallée de Katmandou font face à un risque important et croissant de tremblement de terre. Il est clair que le prochain séisme d'ampleur causera plus de morts, de dégâts et de problèmes économiques que les précédents», note le rapport. Geohazards International déplore aussi que le gouvernement n'ait pas contrôlé le développement rapide de la ville et édicté des règles de construction prenant en compte les risques sismiques.