Menu
Libération
Critique

Le système algérien et ses french connections

Le monde arabe en ébullitiondossier
publié le 27 avril 2015 à 20h16

Une histoire passionnelle et une plaie mal refermée : telle est la nature des relations franco-algériennes. Les auteurs passent ces «fameuses» relations à la paille de fer en les inscrivant dans une histoire contemporaine depuis le premier septennat Mitterrand jusqu'à Hollande. Pas de prétention universitaire mais un travail de belle couture journalistique. Ils ont pour cela dressé leur radiotélescope vers Alger pour écouter des signaux au sein de l'appareil d'Etat. Mais Alger est comme une étoile : elle émet des signaux brefs, intermittents et contradictoires. Le chapitre consacré au «système», cette «coquille vide, une façade», analyse le journaliste Hacen Ouali d'El Watan, est particulièrement éclairant.

L'Algérie est incontestablement le pays le plus proche de nous car, écrivent les auteurs, «7 millions de personnes ont le cœur, l'âme, la famille ou des intérêts entre Alger et Paris». Après Chirac et les années de miel avec l'Algérie, les rapports se gâtent sous Sarkozy. L'Algérie se sent «délaissé» et l'intervention en Libye fut «l'ultime faute». Bouteflika, opposé à cette opération, n'a eu de cesse de le faire savoir à ses visiteurs lors de ses séjours au Val-de-Grâce. Sous François Hollande, dont le père Georges fut dans le milieu des années 60 très proche «des noyaux durs de l'Algérie française», écrivent les auteurs, et grâce à la lecture de l'historien Benjamin Stora, «la lune de miel trouve un nouvel élan».

Ce livre tombe à pic parce qu'il met sur la voirie comme lors d'une brocante, et au moment où la génération FLN incarnée par Bouteflika va s'éteindre, les contentieux, les réticences mutuelles et les réseaux affairistes à l'heure où l'Algérie, pourtant prise dans une frénésie de consommation, est confrontée à l'effondrement du baril. Certes, le pays a les poches profondes (178 milliards d'euros de réserve), mais l'éducation a été laissée à l'abandon, le système de santé est défaillant alors qu'une élite se loge dans les beaux quartiers de Paris et s'y fait soigner. Le livre refermé, se dessine le portrait d'un pays qui importe 70% de sa production agricole, où la contestation sociale est éteinte par une pluie de dinars, où l'opposition est «divisée» et où «les islamistes sont en embuscade».