Djokhar Tsarnaev et James Holmes seront-ils un jour exécutés ? L’auteur des attentats de Boston (trois morts en avril 2013) et celui du massacre du cinéma d’Aurora (douze victimes en juillet 2012), dont les procès respectifs se déroulent actuellement, encourent en tout cas la peine de mort. Ces deux affaires, ultra-médiatisées, renvoient à une réalité cinglante : les Etats-Unis sont la seule démocratie occidentale qui pratique encore la peine capitale.
Avec 35 exécutions en 2014, le pays se classe même dans le peloton de tête, derrière la Chine, l’Iran, l’Arabie Saoudite et l’Irak. Derrière ce macabre palmarès se cache pourtant une autre réalité : le déclin constant - et pour beaucoup, inexorable - de la peine de mort aux Etats-Unis. Depuis plusieurs années, tous les indicateurs convergent : de plus en plus d’Etats américains abandonnent la peine capitale, le nombre d’exécutions est en forte baisse et les condamnations à mort diminuent.
Dans son rapport 2014, le Centre d’information sur la peine capitale (DPIC) souligne que les 35 exécutions pratiquées l’an dernier représentent le plus bas niveau depuis deux décennies. Dans les tribunaux, 73 condamnations à mort ont été prononcées, soit une baisse de 80% en vingt ans. A ce jour, dix-huit Etats et la capitale fédérale, Washington, ont aboli la peine de mort, dont six depuis 2007 : le New Jersey, New York, le Nouveau-Mexique, l’Illinois, le Connecticut et le Maryland.
Le Nebraska devrait bientôt les rejoindre : il y a deux semaines, le Sénat local a voté l'abolition. Le gouverneur (républicain) a promis de mettre son veto, estimant que «les prisonniers du couloir de la mort ont eu la peine qu'ils méritent». Mais les élus de cet Etat du centre du pays devraient disposer d'une majorité suffisante pour contourner ce veto.
Exception. Enfin, sur les 32 Etats où existe encore la peine de mort, peu y ont en réalité recours. L'an dernier, sept seulement ont exécuté des prisonniers. Preuve supplémentaire que la pratique devient d'avantage de l'exception que la règle : 80% des exécutions ont eu lieu dans trois Etats seulement. Texas, Floride et Missouri. De moins en moins appliquée, la peine de mort est aussi de moins en moins populaire. Selon la dernière enquête du Pew Research Center, 56% des Américains se déclarent favorables à la peine de mort en cas de meurtre. Une majorité qui ne cesse de s'effriter, puisqu'ils étaient 62% en 2011 et 78% en 1996. A l'inverse, les rangs des partisans de l'abolition ne cessent de gonfler : 38% aujourd'hui, contre 18% il y a vingt ans. On les trouve essentiellement dans le camp démocrate, où le soutien à la peine capitale est passé de 71% en 1996 à 40% aujourd'hui.
Comment expliquer cette évolution ? Pour le Centre d’information sur la peine capitale, c’est en partie le fruit de l’intense lobbying des organisations abolitionnistes. Grâce aux progrès de la science et à la généralisation des tests ADN, elles ont pu rouvrir de nombreux dossiers. Et prouver que le risque de tuer un innocent était bien réel. Depuis 1973, 152 condamnés à mort ont été blanchis. Le dernier en date, Anthony Ray Hinton, condamné à tort pour le meurtre de deux responsables de fast-food, a retrouvé la liberté début avril après avoir passé trente ans dans le couloir de la mort en Alabama. Dans le contexte actuel de vives tensions entre la police et la communauté noire, beaucoup voient également dans la justice américaine une continuation de la ségrégation raciale. Sur les 3 000 prisonniers en attente de leur exécution, 42% sont noirs, alors que les Afro-Américains ne représentent que 12% de la population.
Cocktail. Enfin, le débat sur la peine de mort a été relancé l'année dernière après plusieurs exécutions qui ont viré au fiasco. Dont celle de Clayton Lockett, décédé dans une prison d'Oklahoma après quarante-trois minutes d'agonie. Depuis que les laboratoires pharmaceutiques, en majorité européens, refusent de voir leurs médicaments utilisés pour donner la mort, plusieurs Etats américains (dont l'Oklahoma) cherchent des produits alternatifs, souvent préparés par des officines non agréées. En avril 2014, Clayton Lockett a ainsi reçu un cocktail jamais testé auparavant : trois injections, dont une de midazolam, un anxiolytique non approuvé comme anesthésiant et qui, à plusieurs reprises, n'ont pas suffi à rendre les condamnés inconscients.
Après le supplice de Lockett, qui avait suscité de vives réactions internationales, trois condamnés à mort de l'Oklahoma ont déposé une plainte, qui est examinée cette semaine par la Cour suprême. Les juges vont devoir dire si l'utilisation du midazolam est contraire au 8e amendement de la Constitution, qui proscrit «toute punition cruelle et inhabituelle». Face à la pénurie de produits et à une possible décision défavorable de la Cour, certains Etats ont décidé de rétablir des méthodes alternatives : le peloton d'exécution pour l'Utah, la chaise électrique pour le Tennessee et l'inhalation d'azote pour l'Oklahoma.