Au Japon, on pend. Le condamné est informé seulement quelques heures avant. Son avocat et ses proches sont généralement prévenus après l'exécution. Depuis l'instauration de la démocratie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la peine de mort est très régulièrement pratiquée dans l'archipel. L'année dernière, trois hommes ont été pendus. En tout, onze condamnés ont été exécutés depuis le retour au pouvoir du Premier ministre conservateur, Shinzo Abe, en 2012. Et 127 individus attendent dans le couloir de la mort. Certains y vivent depuis plusieurs décennies, confinés à l'isolement, d'autres sont âgés et séniles. «Or, selon la loi, aucun condamné à mort mentalement malade ne peut être exécuté», rappelle Hideki Wakabayashi, le directeur d'Amnesty International au Japon.
Expéditifs. Les autorités n'envisagent aucunement de changer de changer la loi «Nous n'allons pas revoir le système de la peine capitale maintenant», expliquait en janvier la ministre de la Justice, Yoko Kamikawa. Elle présentait les grandes lignes d'une étude gouvernementale affirmant que plus de 80% des Japonais approuvent la pendaison. Interrogée sur la tendance mondiale à l'abolition, Yoko Kamikawa a répondu qu'une telle décision dépendait de la volonté du peuple japonais. Mais les opposants à la peine de mort mettent en doute cette étude. Ainsi Mai Sato, chercheuse au Centre de criminologie de l'université d'Oxford, a pointé des questionnements expéditifs et simplistes qui surévaluaient les opinions favorables à l'exécution et minimisaient les opinions contraires. Elle a mené auprès de 20 000 Japonais sa propre enquête, parvenant à des résultats opposés aux chiffres du gouvernement et montrant un cruel manque d'information. «Au Japon, les faits sur la peine de mort sont gardés secrets, expliquait l'année dernière Louise Vicher, la coordinatrice Asie-Pacifique d'Amnesty International. Le soutien diminue lorsque les injustices ou les erreurs sont répercutées par la presse, comme dans le cas Hakamada. Ça met les gens mal à l'aise.»
L'affaire Iwao Hakamada a ébranlé l'institution judiciaire et donné des arguments crédibles aux abolitionnistes. Le 27 mars 2014, cet homme de 78 ans a été libéré de sa cellule de Tokyo où il attendait sa pendaison depuis plus de quarante-sept ans. C'était le plus ancien condamné à mort au monde. Ce matin-là, la cour de Shizuoka a «suspendu la peine capitale» dans l'attente d'un nouveau procès. Les télés ont montré un petit homme voûté quittant sa prison. En août 1966, c'était un trentenaire svelte qui avait été incarcéré. La justice était alors persuadée de tenir le coupable du meurtre d'un patron d'une société de miso (soja fermenté) et de sa famille, retrouvés poignardés dans leur domicile incendié.
Ratés. Police et justice ont ciblé Iwao Hakamada, un ouvrier de l'entreprise, ancien barman et ex-boxeur. L'affaire a révélé les ratés de la machine judiciaire. Le tribunal est allé jusqu'à écrire que «les enquêteurs sont soupçonnés d'avoir falsifié des preuves». Depuis cette libération, la proportion de Japonais favorables à la peine capitale a baissé de 5% par rapport à 2009.