Menu
Libération

Pretoria de plus en plus étranger à son continent

Arrogance et violences envers les immigrés affaiblissent la diplomatie sud-africaine.
publié le 29 avril 2015 à 19h46

La xénophobie sud-africaine déclenche une guerre diplomatique sur le continent africain. L’Afrique du Sud réalise enfin que ce n’est pas une île. Que le pays a besoin du reste du continent pour prospérer, mais aussi d’une bonne image sur la scène internationale afin de continuer à attirer ses investisseurs.

Après la récente vague de violences xénophobes qui a fait officiellement 7 morts et des milliers de déplacés, l’image du «géant de l’Afrique» est au plus bas. Le président, Jacob Zuma, a décidé de montrer qu’il prenait le problème au sérieux en annulant notamment son voyage diplomatique en Indonésie et en multipliant les condamnations contre les violences, alors que son parti, le Congrès national africain (ANC), avait largement joué la carte anti-étrangers afin de pallier ses erreurs de gouvernance.

«Afrophobes». Depuis la semaine dernière, Mohamed Ismail, délégué de la région du Gauteng pour l'Association des Somaliens, ainsi que les autres représentants des étrangers vivant en Afrique du Sud, sont reçus presque quotidiennement par les autorités. «Je ne dors plus beaucoup depuis deux semaines, mais les choses bougent ! C'est la première fois», explique ce ressortissant somalien. Des marches ont été organisées à travers le pays pour dire «non à la xénophobie». Des campagnes de prévention tournent en boucle à la télévision et à la radio. En 2008, les violences xénophobes avaient fait plus de 60 morts, certains étrangers brûlés vifs dans les townships du pays. Les crimes, les intimidations, ni même les propos «afrophobes» n'ont cessé depuis. Mais après les déclarations du roi zoulou invitant les étrangers à «plier bagage», et les nombreuses violences qu'il a déclenchées, les caméras se sont braquées sur les magasins pillés et les milliers de déplacés.

Le reste du continent a réagi. Au Mozambique, des voitures immatriculées en Afrique du Sud ont été caillassées et la compagnie pétrolière sud-africaine Sasol a dû évacuer ses expatriés. Au Zimbabwe et au Nigeria, des centaines de manifestants se sont réunis devant les ambassades sud-africaines.

Provocation. Au-delà de cet «afrophobisme» latent, l'arrogance des Sud-Africains est très mal perçue sur le reste du continent. Pretoria n'a jamais réussi à être le leader diplomatique du continent qu'elle aurait souhaité. Au point de vue économique, «les investisseurs sud-africains ont toujours une attitude raciste héritée de l'apartheid», confie un homme d'affaires congolais.

Le pays doit redorer son image. Et vite. Il a perdu son titre de première économie du continent l'année dernière, au profit du Nigeria. Ce dernier profite d'ailleurs de la récente vague de violences xénophobes pour déclarer la guerre diplomatique : Abuja a rappelé son ambassadeur basé en Afrique du Sud. Une provocation exagérée, certes. Une mesure «regrettable», selon Pretoria. Mais aujourd'hui, l'Afrique du Sud n'est plus en position de force pour négocier.