La scène a l'absurdité d'un des sketches de la célèbre sitcom satirique The Thick of It, qui se plaît à ridiculiser les «plans com» concoctés hors sol par les spin doctors britanniques. Dimanche, planté au centre d'un parking de la ville de Hastings (Sussex de l'Est) et entouré d'une poignée de militants, Ed Miliband dévoilait une stèle de 2,50 mètres sur laquelle il a fait inscrire les six engagements clés de son programme. L'idée étant de montrer aux électeurs que ses promesses sont – littéralement – gravées dans la pierre. Mieux encore, le candidat travailliste aux élections générales entend ériger ce bout de roche calcaire dans le petit jardin de Downing Street, histoire de se confronter physiquement à sa feuille de route durant chaque jour de son mandat.
Le Premier ministre conservateur, David Cameron, dont le parti est au coude-à-coude avec le Labour dans les derniers sondages avant le vote de jeudi, ne s'est pas fait attendre pour remarquer à quel point cet étrange happening soulignait le «manque de jugeote» de son adversaire. Sur Twitter, les Tories ont fait circuler un détournement du monument transformé à peu de frais en pierre tombale sur laquelle est inscrite «RIP le redressement de la Grande Bretagne, 2010-2015 (si le Labour et le SNP [Scottish National Party, ndlr] gagnent)».
«Pour qui est-ce qu'il se prend ? Moïse ? Les futurs archéologues regarderont avec confusion ce gâchis de belle pierre», s'est enflammé sur Twitter le maire de Londres, Boris Johnson, déclenchant une avalanche de parodies réalisées sur Photoshop montrant Miliband en tenue biblique avec ses Tables de la Loi. Pour William Hague, ancien ministre et leader des conservateurs, «si Miliband arrive jusqu'au numéro 10 [Downing Street, la résidence du Premier ministre], Nicola Sturgeon et le Scottish National Party prendront leurs burins pour écrire leurs propres demandes sur ce monument empreint de vanité». Damian McBride, ancien conseiller du dernier Premier ministre travailliste Gordon Brown, a lui-même critiqué le «manque de bon sens» de l'équipe de campagne de son parti.
Who does he think he is? Moses? Future archaeologists will gaze with bafflement at this waste of good stone. pic.twitter.com/DKwDs5Kz4b
— Boris Johnson (@BorisJohnson) May 3, 2015
Invité de la BBC lundi matin, Miliband ne s'est pas démonté et a assumé cette initiative. «Je pense que la confiance dans les politiques est l'une des questions majeures de cette élection, a-t-il déclaré, citant en exemple les spectaculaires retournements de veste des libéraux démocrates sur l'augmentation des frais universitaires lors de la dernière élection et l'échec de Cameron à réguler l'immigration clandestine. La différence est que nos engagements ne vont pas expirer le 8 mai. Nos promesses sont gravées dans la roche.» Listés sous le titre «Un meilleur plan, un meilleur futur», les six points en question sont «une meilleure base économique, un meilleur niveau de vie pour les familles de travailleurs, un système de santé qui prend le temps de soigner, le contrôle de l'immigration, un pays où la prochaine génération peut faire mieux que la précédente, des maisons à acheter et des loyers modérés».
Dans son édition de lundi, le quotidien conservateur The Times s'en donnait à cœur joie, avec une double page consacrée à la stèle de Miliband, qui aurait coûté entre 3 000 et 4 000 livres (autour de 5 000 euros) au Labour selon le journal, ironisant sur le politicien qui a besoin d'un tel monument pour se souvenir de ses promesses. «Un post-it ne pourrait-il pas suffire ?» grince l'éditorialiste Ann Treneman. D'autant plus que, même s'il est élu, Miliband devra obtenir l'autorisation du conseil municipal de Westminster pour ériger sa pierre. Une instance contrôlée aux trois quarts par des élus conservateurs…
Don't forget the fine print, Ed. Today's cartoon by @mortenmorland http://t.co/66uC1dJW2W pic.twitter.com/fSwxqhBJkK
— The Times (@thetimes) May 4, 2015