Jeudi ont lieu en Grande-Bretagne les élections générales. Le scrutin s'annonce surprenant, tant aucun des deux partis principaux ne semble avoir de large majorité. Pour la troisième fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le Parlement britannique pourrait être un hung parliament : un Parlement dans lequel aucun parti n'a la majorité absolue.
«Depuis deux élections, le système politique se fragmente», analyse Agnès Alexandre-Collier, professeure de civilisation britannique à l'université de Bourgogne et co-auteure du livre les Partis politiques en Grande-Bretagne aux éditions Armand Colin. «On pourrait imaginer que les prochaines élections aboutissent à un système de plus en plus fragmenté, poursuit-elle. Ce serait l'émergence d'une forme de bipartisme imparfait.» Au vu des prédictions, réalisées par des chercheurs de la London School of Economics (LSE), les deux principaux partis n'obtiendraient qu'un peu plus de 40% des sièges chacun.
En 2010, David Cameron, à la tête du Parti conservateur, avait choisi de s’allier avec les libéraux-démocrates menés par Nick Clegg. Cela lui a permis de s’assurer une majorité à la Chambre des communes. La situation est compliquée pour 2015. Les prédictions donnent les travaillistes et les conservateurs au coude-à-coude, sans réelle majorité. Deux hypothèses seront envisageables, selon Agnès Alexandre-Collier :
• Une coalition entre conservateurs et les libéraux-démocrates
De la même manière qu’en 2010, cette coalition plutôt à droite permettrait à David Cameron de rester en poste. Il faut pour cela que les deux partis parviennent à la majorité absolue. Sinon, ils devraient élargir la coalition, éventuellement en intégrant des parlementaires Ukip, le parti eurosceptique et populiste britannique.
La position autour de l’ouverture à Ukip n’est pas encore tranchée, entre un leadership du Parti conservateur plutôt pro-européen et une base parlementaire et militante qui tire de plus en plus vers l’euroscepticisme.
• Un accord sur le budget et la confiance entre les travaillistes et les indépendantistes écossais
Les travaillistes, menés par Ed Miliband, pourraient gouverner en minorité et s’assurer une majorité absolue sur les deux votes qui pourraient aboutir à la dissolution du Parlement : le budget et la confiance.
Les indépendantistes écossais du Scottish National Party (SNP) devraient représenter une part non négligeable de la nouvelle assemblée élue et faire de bons partenaires pour les travaillistes. «Les travaillistes ne sont pas forcément prêts à une coalition avec les indépendantistes. Ce sont leurs rivaux dans un certain nombre de bastions écossais et ils divergent sur la question majeure de l'union britannique», analyse la chercheuse.
En Grande-Bretagne, le candidat arrivant en tête au premier tour dans la circonscription l’emporte, même s’il ne dépasse pas les 50%. Ce mode de scrutin est bien ancré dans les habitudes électorales des Britanniques − qui votent «utile» et s’abstiennent peu − et n’encourage pas l’apparition de petits partis.
Malgré son score autour de 10%, le parti de Nigel Farage ne gagnerait qu'un seul siège. «Peut-être que dans deux ou trois élections, l'Ukip va prospérer, analyse Agnès Alexandre-Collier. Le positionnement des conservateurs face à ce parti devra donc évoluer.»
Les nouveaux élus du Parti conservateur, dont la chercheuse a étudié les profils, sont plus jeunes, plus féminins et diversifiés mais, surtout, ils sont encore plus eurosceptiques que leurs aînés. Cela pourrait entraîner l’apparition d’un nouveau leader conservateur dans les prochaines années.