Le monde est soulagé. La princesse Charlotte Elizabeth Diana, cinq jours, est bien arrivée dans son manoir de dix pièces, Anmer Hall, dans le Norfolk. Pas folle, le bébé-princesse a décampé mercredi du palais de Kensington à Londres, sitôt expédiée la visite obligée de Granny, son arrière-grand-mère la reine Elizabeth II. Une vingtaine de minutes d’extase devant la finesse des traits du nouvel enfant royal et la souveraine repartait dans sa Rolls rejoindre ses corgis. Quant à Charlotte, comme l’appellent déjà familièrement les Britanniques, elle fuyait dans la campagne du nord-est de l’Angleterre avec son grand frère, le prince George, et ses parents, William et Kate.
«Feel good factor». Tout cela parce que certains mauvais esprits ont jugé malin de suggérer que sa naissance, samedi 2 mai à 8 h 34, pourrait bien profiter à un des partis en lice pour les élections générales de ce jeudi. «Que nenni !» s'est exclamé Nick Clegg, indigné, alors qu'une journaliste d'ITV l'interrogeait sur le sujet. «Quelle vilaine manière de salir ainsi un événement si heureux», a poursuivi le chef du parti libéral démocrate, avant d'éclater de rire en balançant à la journaliste déconfite : «Get a life !» («Va faire ta vie!»)
N'empêche, à l'heure où nul ne peut prédire le résultat de l'élection la plus incertaine des cinquante dernières années, ni les conservateurs, ni les travaillistes ne diraient non à un petit point, à un ou deux votes grappillés ça et là grâce au «feel good factor» de la naissance royale. Les tories sont les plus optimistes : après tout, en principe, un royal se veut tout sauf un révolutionnaire. Il devrait pencher vers les conservateurs.
En même temps, Kate était une roturière avant de devenir princesse et, avec William, ils ont déjà construit l’image d’un couple jeune, moderne, beau, dynamique (William est tout de même pilote d’hélicoptères-ambulances), prêt à réformer la royauté en… annonçant la naissance de sa fille sur Twitter par exemple. On ne sait jamais : les travaillistes pourraient bien profiter d’une manne inespérée. Sachant que la famille royale est constitutionnellement neutre politiquement et ne vote pas. Ce qui est certain, c’est que la naissance profitera à l’économie britannique. Les retombées commerciales autour de la petite princesse pourraient atteindre les 150 millions de livres (203 millions d’euros) par an. Les premières tasses à sa gloire sont déjà disponibles et les ventes de châle blanc similaire à celui dans lequel était enveloppé le bébé à sa sortie de l’hôpital ont déjà explosé.
Audace ultime. Ni David Cameron pour les conservateurs ni Ed Miliband pour les travaillistes n'ont pourtant eu l'audace ultime qui leur aurait peut-être permis de gagner les voix manquantes. Samedi, l'apparition surnaturelle sur le seuil de la maternité de la princesse Kate, immaculée, dix heures à peine après son accouchement, a secoué les foules. Talons aiguilles, robe vaporeuse, brushing et maquillage impeccables, mains manucurées, la jeune femme a placé la barre très haut pour les futures mamans. En promettant coiffeur et manucure pour tous à la sortie de la salle d'accouchement, Cameron et Miliband auraient sans doute pu faire basculer le vote.