Lorsqu'il a, au soir des élections législatives du 17 mars, célébré la victoire du Likoud, son parti, en promettant qu'il serait «le Premier ministre de tous les Israéliens, y compris de ceux qui n'ont pas voté pour lui», Benyamin Nétanyahou imaginait qu'il ne lui faudrait pas plus de quelques jours pour conclure un accord de coalition avec ses alliés naturels. Il a enfin réussi à trouver une majorité qui met la barre à droite toute et qu'il devait présenter mercredi soir au chef de l'Etat. Mais la tâche fut beaucoup plus ardue qu'il ne l'imaginait. Fort d'un contingent de 30 députés (+10) sur les 120 que compte la Knesset, Nétanyahou pensait qu'un tour de piste auprès de ses partenaires potentiels, accompagné d'accolades et des promesses creuses dont il a le secret, suffirait à régler l'affaire. Il escomptait ainsi que le Likoud s'accaparerait les portefeuilles les plus importants du prochain gouvernement et que les partis satellites se contenteraient des restes, après avoir marchandé pour la forme. Il se trompait, et la plupart des commentateurs politiques avec lui.
Echange. Certes, Koulanou (10 élus), la nouvelle formation de droite modérée dirigée par Moshe Kahlon, et les partis ultra-orthodoxes ne se sont pas trop fait prier pour s'allier à Nétanyahou en échange de portefeuilles économiques et sociaux, celui des Finances pour Kahlon, la Santé pour les ultra-orthodoxes ashkénazes d'Unité de la Torah (6 élus) et l'Economie pour Arié Deri, le nouveau leader du Shass, le parti ultra-orthodoxe séfarade comptant 7 élus. Mais l'affaire s'est compliquée lorsqu'il a fallu convaincre Avigdor Lieberman et son parti nationaliste Israël notre maison de participer à la nouvelle majorité. Parce que «Yvette» (c'est ainsi que ses amis surnomment ce fort en gueule) est à couteaux tirés avec Nétanyahou. Et que ce dernier refusait de lui accorder le maroquin des Affaires étrangères et/ou de la Défense qu'il exigeait alors que son groupe parlementaire a perdu la moitié de ses effectifs (6 élus au lieu de 11) au soir des législatives. En fin de compte, les deux hommes n'ont d'ailleurs pas réussi à s'entendre. Lundi, Lieberman a en tout cas surpris tout le monde en coupant court aux marchandages pour annoncer qu'il siégera dans l'opposition. Du moins, pour quelque mois…
A Jérusalem, la «défection» de ce partisan de la peine de mort pour les terroristes et du «transfert» vers l’Autorité palestinienne des villes arabes du centre d’Israël, en échange de l’annexion par son pays des zones de Cisjordanie où sont implantés les grands blocs de colonies, a surpris le microcosme. En tout cas, elle a renforcé la position de Naftali Bennett, le leader du parti d’ultradroite Foyer juif (8 élus), qui a fait monter les enchères autant qu’il le pouvait, puisque Nétanyahou ne pouvait pas passer le cap des 60 députés sans son soutien. Une belle revanche pour le leader du Foyer juif, qui n’adresse plus la parole à Nétanyahou depuis quelques semaines. Parce que le Likoud lui avait promis de faire campagne avec lui et sur les mêmes thèmes, alors qu’il cherchait plus prosaïquement à lui piquer une partie de son électorat de colons. Et parce que «Bibi» s’était aussi engagé à associer Bennett aux négociations en vue de la formation du gouvernement dès qu’elles seraient enclenchées, ce qu’il a «oublié» de faire. Mercredi soir, Bennett a confirmé la conclusion d’un accord entre son parti et le Likoud, qui confère à Nétanyahou une majorité d’au moins 61 députés. Les deux leaders devaient s’exprimer en commun devant la presse avant minuit heure locale.
proue. Pressé par le temps - le délai légal imparti au formateur pour constituer un gouvernement se terminait mercredi à minuit - Nétanyahou est donc passé sous les fourches caudines de celui qu'il méprisait il y a quelques jours. Malgré une perte de 4 députés le 17 mars, Bennett a décroché le portefeuille de l'Education avec l'ambition affichée de «judaïser» l'enseignement public trop laïc à son goût. Cerise sur le gâteau, Ayala Shaked, l'une des figures de proue du Foyer juif, obtient le maroquin de la Justice. Un bâton de maréchal pour cette députée d'ultradroite originaire de Tel-Aviv qui mène campagne contre la «magistrature gauchiste» et pour que «la loi juive l'emporte sur le reste».
Dans son collimateur, la Cour suprême, dont elle veut réduire les pouvoirs pour qu'elle n'intervienne plus dans les dossiers relatifs à la colonisation et aux atteintes aux droits de l'homme dans les territoires occupés. Car Shaked veut «faire table rase du passé et remettre les juges à leur vraie place, de manière à ce qu'il n'interfère pas sur des décisions du monde politique». D'ici six mois, elle devra d'ailleurs gérer la nomination de procureurs généraux. De l'avis des commentateurs, cela ne se fera pas sans étincelles.