Retourner ou pas sur l'Everest ? Le 30 avril, cinq jours seulement après le tremblement de terre, le département du Tourisme du Népal avait créé la polémique en annonçant que les expéditions allaient reprendre. Le patron népalais d'une grande agence himalayenne ne décolère pas :«Parler de l'Everest maintenant est indécent. On a annulé toutes les expéditions. Notre priorité, c'est le secours à la population.»
Désert. Thamel, le quartier de Katmandou où sont regroupées les agences de trek, les boutiques de matériel et de souvenirs, et où se pressent habituellement une foule de touristes, est triste et désert ce mardi, les rideaux de fer baissés. Jitendra Gurung a rouvert son agence «pour aider si besoin». «Normalement, c'est le pic de la saison. Là, mes 15 employés sont au village, ils distribuent l'aide collectée auprès de la population de Katmandou. Heureusement, mars et avril ont été bons, j'ai pu rembourser les groupes qui ont tous annulé. A l'automne, le soleil se lèvera de nouveau. Si quelqu'un veut venir au Népal, ce sera le moment, il faut nous aider.»
Marco Zaffaroni, alpiniste chevronné, était sur l'Everest lors du séisme : «Au camp 1 du pic Islan, les avalanches tombaient de tous les côtés. Une crevasse s'est ouverte dans la cascade de glace, la route ouverte par les sherpas a été complètement détruite.» Il y a un an, une avalanche avait tué 16 sherpas qui travaillaient dans cette zone dangereuse. Leurs collègues avaient refusé de reprendre le travail. «Il est impossible de rouvrir cette année, a assuré lundi Dorjee Sherpa Ang, responsable des «Icefall doctors». La cascade de glace n'est pas stable.»
Personnellement, Huku Thape, guide de haute montagne, n'envisage pas de repartir. «La terre tremble encore, il y a des glissements de terrain, des chutes de pierres et de glace. Les chemins sont coupés. Et puis les porteurs ne peuvent pas laisser leur ferme, il faut réparer les systèmes d'irrigation en prévision du repiquage du riz, reconstruire les maisons avant l'arrivée de la mousson, fin juin.» Pour Catherine Joriot, qui dirige une agence à Katmandou, reprendre les treks «est risqué. Le sol n'est pas stable. Si certains le font, c'est qu'ils n'auront pas le choix, car ils n'auront pas de travail avant six ou sept mois et doivent reconstruire leur maison.»
Lynn Lampky, une randonneuse californienne qui se trouvait juste sous le camp de base de l'Everest le 25 avril, est l'une des rares touristes à ne pas avoir avancé son départ. «Je ne retournerai pas en altitude. Je n'ai pas peur, mais tant de gens sont morts, je serais mal à l'aise.» Selon un bilan provisoire, 54 étrangers ont été tués dans le séisme.
Démentis. Même si plus 70% des Népalais travaillent dans l'agriculture, les services et le tourisme représentent la moitié des revenus du pays. A lui seul, le permis d'ascension de l'Everest coûte 10 000 euros, et 357 personnes étaient inscrites pour la saison. En dépit des démentis officiels des agences, le gouvernement a répété lundi que le sommet restait ouvert. Pour ne pas avoir à rembourser les permis, assurent les mauvaises langues. Zaffaroni reviendra de Milan en septembre. «Mais pas pour grimper. Pour aider à reconstruire l'école d'un village que je connais bien.»