De quelles nouvelles alouettes Cuba deviendra-t-elle le miroir ? Le grand rapprochement de l’île à forme d’alligator avec son inévitable voisin yankee paraît reprendre une histoire arrêtée en 1959. Dans cette histoire, qui débute en 1898, Cuba est le terrain de plaisir et d’exploitation des industriels, affairistes, touristes et gangsters d’un pays qui n’a jamais avalé l’expérience castriste, cette manifestation de justice sociale et d’autonomie nationale rapidement dégénérée en dictature. La visite de François Hollande à Cuba, aussi pâle soit sa rose, évoque d’abord une autre histoire : celle d’une gauche française qui, trop longtemps, a cru aux sirènes de la révolution cubaine ; une gauche qui projetait sur l’aventure de ce formidable peuple, de son orgueil et de son naturel si rares, de ce pays où l’on parle, rit (et déprime) comme nulle part ailleurs, les fantômes de sa propre mémoire, de 1789 à la Commune. Mais cette visite relance surtout une troisième histoire, moins abjecte que l’histoire américaine et moins aveugle que celle de la gauche française : celle des rapports de l’Europe avec Cuba. Si elle vient de loin, du fait de l’ancien maître espagnol, elle se renouvelle après 1989. L’URSS chutant, les Etats-Unis obtus, le Venezuela encore absent, la cigale cubaine se trouva fort dépourvue. Quelques pays d’Europe, pour des raisons diverses, aidèrent l’île en déroute à ne pas sombrer. L’Espagne et la France ont conduit cette escouade sans fanfare idéologique. Le voyage de François Hollande a bien sûr des raisons économiques : se placer au moment où le casino insulaire va ouvrir. Souhaitons qu’il ait des motifs culturels et politiques ; qu’il incite les dirigeants cubains à ne pas tout miser sur le numéro américain. C’est peut-être à Cuba que la France peut encore faire rêver.
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