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Libération
EDITORIAL

Baiser de Judas

publié le 14 mai 2015 à 21h51

Le régime de Damas vacille et le comble c’est que l’on en est réduit, après quatre ans d’un conflit d’une incroyable violence, à se demander si c’est une bonne nouvelle ou pas. Ce pays a connu tant de changements d’alliance qu’il devient parfois difficile de distinguer les bourreaux des victimes. Si Bachar al-Assad perd de sa superbe, c’est qu’une nouvelle coalition s’est formée, constituée de groupes jihadistes tel le Front al-Nusra, branche syrienne d’Al-Qaeda, et de rebelles dits modérés (de ceux qui furent longtemps soutenus par les Occidentaux). Baptisée «Armée de la conquête», cette coalition qui ne cesse de gagner des batailles est elle-même soutenue par une puissance nouvellement entrée dans le jeu syrien, l’Arabie Saoudite du roi Salmane, au pouvoir depuis janvier. Longtemps passif, le royaume a compris le danger qu’il y avait à laisser l’Iran briguer le rôle de puissance régionale qu’un accord sur le nucléaire avec les Etats-Unis pourrait lui redonner. D’où son alliance avec la Turquie et le Qatar pour bouter Bachar al-Assad hors du pouvoir et ainsi affaiblir Téhéran, son principal soutien. Si l’Armée de la conquête parvenait à prendre le contrôle ne serait-ce que d’un bout de la province de Lattaquié, fief de la minorité alaouite à laquelle appartient Al-Assad, cela signifierait la fin toute proche du boucher de Damas. Et le soutien appuyé que vient de lui apporter un haut responsable iranien à l’issue d’une visite de deux jours dans la capitale syrienne aurait alors tout du baiser de Judas. Cela ne marquera malheureusement pas pour autant la fin de l’enfer syrien. Pas encore.