Le mouvement armé jihadiste Al-Mourabitoune, de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, dit «le Borgne», a annoncé hier l'allégeance de son groupe à l'organisation Etat islamique (EI) dans un enregistrement audio diffusé par l'agence mauritanienne privée Al-Akhbar. «Le mouvement Al-Mourabitoune annonce son allégeance au calife des musulmans Abou Bakr al-Baghdadi, bannissant ainsi les divisions et les dissensions au sein de la nation», affirme en arabe Adnan Abou Walid al-Sahraoui dans cet enregistrement. Al-Akhbar, qui publie régulièrement les communiqués de jihadistes, a assuré de son côté avoir authentifié la voix comme étant celle de Sahraoui.
Roquettes. Al-Mourabitoune est né en 2013 de la fusion des «Signataires par le sang» de Mokhtar Belmokhtar - un ex-chef d'Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), cerveau d'une massive et meurtrière prise d'otages sur le site gazier algérien d'In Amenas en janvier 2013 - et du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), un des groupes jihadistes ayant contrôlé le nord du Mali pendant près d'un an (2012-2013) et qui continue régulièrement à lancer des roquettes sur Gao et Ménaka, au Mali. Adnan Abou Walid Sahraoui s'est plusieurs fois exprimé au nom du Mujao mais aussi d'Al-Mourabitoune, notamment pour revendiquer des enlèvements ou attaques dans le nord du Mali. Dans sa déclaration, le responsable jihadiste invite «tous les mouvements jihadistes à prêter allégeance» au chef de l'EI «pour unifier la parole des musulmans et resserrer leurs rangs». Pour Yves Trotignon, ancien analyste sur le contre-terrorisme au sein de la DGSE, aujourd'hui analyste à Risk & Co, ce ralliement de Belmokhtar, «le jihadiste le plus dangereux de la bande sahélienne, un véritable orthodoxe du jihad», s'expliquerait par «la perte d'influence» d'Aqmi sur la zone. Trotignon se montre toutefois prudent : «Il y a deux hypothèses. Soit Sahraoui a parlé en son nom et le ralliement est alors acté. Soit nous aurons un communiqué dans les prochains jours dénonçant l'allégeance. Si c'est le cas, cela signifierait des tensions à l'intérieur même du groupe Belmokhtar», avance Trotignon. Ce dernier penche toutefois pour la première hypothèse, «sachant que l'EI dicte aujourd'hui "la mode du jihad" et que le parrainage d'Aqmi et d'Al-Qaeda est en train de se dissoudre».
L'agence Al-Akhbar rapporte par ailleurs que Adnan Abou Walid Sahraoui est désormais le nouvel «émir» (chef) d'Al-Mourabitoune. Au sujet de cette déclaration d'allégeance, l'expert mauritanien du jihadisme Isselmou Ould Salihi a estimé également qu'elle pouvait être liée à une certaine perte de vitesse et posait des questions «au sujet du mouvement [Al-Mourabitoune] et de son chef Belawar [surnom de Belmokhtar, ndlr]». Yves Trotignon souligne de son côté que Belmokhtar, en se ralliant, «veut surtout rester dans le vent du jihad», mais reste surtout «ce personnage clef» car possédant «les contacts au Yémen et au Pakistan».
Présence. Pour Trotignon, enfin, cette annonce représente «un symbole fort et aussi une menace accrue» dans la bande sahélo-sahélienne au moment où la France se renforce à Madama, à la frontière nigéro-libyenne, et aussi à Faya-Largeau, au Tchad. Pour Trotignon, la France par sa présence au Mali, Niger et Tchad, «et son rôle de puissance militaire», est «clairement» un objectif de l'EI.