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Libération
éditorial

Pas de côté

publié le 22 mai 2015 à 19h56

L'immigration est un sujet rempli de pièges. Prenons un exemple : rappeler que l'immigration est une chance pour l'Europe fait de vous, au choix, un bien-pensant, un dangereux néolibéral qui veut tirer à la baisse les salaires, l'Attila de la civilisation européenne, un allié objectif du Front national (quand ce n'est pas tout ça à la fois). Autant dire que la sérénité qui permettrait d'aborder ce sujet pour mieux en saisir toute sa complexité et essayer de le régler n'est pas chose aisée.Ce que nous pensons un temps savoir sur les migrations change sans cesse. Ainsi, qui aurait cru par exemple que la France serait un jour une terre de départ ? Oui, aujourd'hui, il y a plus de Français qui quittent l'Hexagone que de Français qui reviennent. Ces Français toujours plus nombreux qui font le choix de partir préfèrent s'appeler «expats» plutôt qu'immigrés. C'est ce que notait en mars un journaliste togolais, Mawuna Remarque Koutonin, dans une tribune du Guardian titrée «Pourquoi les Blancs sont des expats et nous des immigrés ?». Il y remet le monde occidental à sa place et à ses valeurs. Ce qui définit «l'expatrié» par rapport au «migrant» n'est pas qu'une question de statut économique, dit-il. Même riche et très éduqué, le migrant africain ou arabe reste un migrant. On ne lui confère pas le grade d'expat. Et pourtant, ce simple glissement de vocabulaire change la perspective et le regard que l'on porte sur ces hommes et ces femmes. C'est tout l'enjeu des questions que nous posons et des réponses que nous apportons dans les pages qui suivent. Déconstruire les faux-semblants, détricoter les contre-vérités, et faire des pas de côté pour éviter les pièges des idées toutes faites.