Huit mois après la conclusion d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas de Gaza, tout n’a pas encore été dit sur la guerre de cinquante jours qui a ensanglanté l’été 2014. Certes, depuis lors, nombre d’analystes se sont penchés sur l’opération «Bordure protectrice», l’invasion partielle de l’enclave palestinienne par l’armée de l’Etat hébreu et les ravages qu’elle a causée (2 240 morts, 60 000 logements détruits). Mais il a fallu attendre ce mercredi pour qu’Amnesty International publie un rapport relatif aux activités des services de sécurité du Hamas durant cette période. En substance, ce document accuse l’organisation islamiste d’avoir profité de «Bordure protectrice» pour régler ses comptes avec le Fatah, le parti de Mahmoud Abbas au pouvoir en Cisjordanie.
Sarcasmes. Vingt-trois personnes ont ainsi été exécutées et des dizaines d'autres enlevées, maltraitées ou torturées. Elles ont en tout cas subi «de terribles abus», selon Amnesty, qui évoque des «crimes de guerre». Comme il se doit, ces opposants étaient dénoncés à l'opinion gazaouie comme des «espions israéliens». Une vieille ficelle déjà utilisée durant l'opération «Pilier de défense», en 2012, lorsque l'organisation islamiste a prétendu avoir arrêté des «collaborateurs de l'ennemi sioniste». Ceux-ci ont été fusillés ou lynchés en pleine rue. Plusieurs corps ont ensuite été traînés par une moto dans le centre-ville de Gaza, sous les sarcasmes des passants.
Le rapport d'Amnesty ne traite pas de ces faits puisqu'il se concentre sur la dernière guerre de Gaza. En effet, le 22 août 2014, alors que «Bordure protectrice» battait son plein et que l'armée israélienne venait de «liquider» trois hauts gradés du Hamas à l'aide de drones, l'organisation islamiste a déclenché une vaste opération de «nettoyage» au cours de laquelle 18 suspects ont été fusillés dans la rue alors qu'ils étaient de dos, un sac de jute sur la tête. La scène a d'ailleurs été filmée et diffusée sur de nombreuses chaînes proche-orientales, sans provoquer de réaction puisque la parole du Hamas était a priori considérée comme vraie et que la présentationde ses victimes comme des «ennemis» suffisait à justifier leur mort…
A l'époque, le Hamas avait refusé de donner le nom de ces soi-disant «collabos» en prétendant vouloir «préserver l'honneur de leurs proches qui n'y sont pour rien». Mais on a su plus tard que la majorité d'entre eux n'étaient pas des traîtres et qu'ils étaient détenus depuis longtemps. «Il s'agissait principalement de militants du Fatah ainsi que d'un homosexuel»,a déclaré un ancien de l'Aman (les renseignements militaires israéliens).
Tortures. Parmi ces fusillés, se trouvait Atta Nadjar, ancien officier de police de l'Autorité palestinienne dont Amnesty raconte l'histoire ; celle d'un condamné à quinze ans de prison pour «collaboration avec Israël» sur la base d'un dossier sujet à caution, en 2009. Selon Amnesty, son corps portait des traces de tortures et certains de ses membres avaient été brisés.
«Il est absolument consternant que, pendant que les forces israéliennes infligeaient des pertes humaines et matérielles massives au peuple de Gaza, les forces du Hamas en aient profité pour régler des comptes de manière impitoyable en menant des assassinats et d'autres violations aux droits de l'homme», affirme Philip Luther, responsable d'Amnesty pour le Moyen-Orient, qui a appelé le Hamas à cesser ses pratiques et l'Autorité palestinienne à conduire devant la justice les auteurs des crimes de guerre dénoncés.