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Libération
Interview

«Le pouvoir algérien s’enfonce dans le déni complet de la situation»

Questions à Ali Benflis Avocat, fondateur du nouveau parti Talaiou El Houriyet
publié le 27 mai 2015 à 19h26

Battu aux présidentielles de 2004 et 2014 par Abdelaziz Bouteflika, l’avocat Ali Benflis, 70 ans, fut auparavant son directeur de campagne puis son Premier ministre. Cet ancien du FLN, à qui on reproche d’avoir crédibilisé une opération électorale jouée d’avance en se présentant, vient de fonder son propre parti, Talaiou El Houriyet («avant-garde des libertés»).

Quel constat faites-vous de la situation du pays ?

L’Algérie est dans une double impasse, politique et économique, sans précédent. Le pouvoir s’enfonce dans le déni complet de la situation interne et externe. Sur le plan diplomatique, on a l’impression que le pays ne pèse plus. Le pouvoir continue d’acheter la paix sociale en utilisant la corne d’abondance des hydrocarbures.

Vous préconisez un nouveau pacte démocratique qui serait en quelque sorte incarné par votre nouveau parti…

Il faut sortir de cette paralysie. Nous avons affaire à un régime totalitaire qui nous rabâche qu’il faut prendre le chemin des réformes alors qu’il ne manifeste aucune volonté politique de les engager. Un pouvoir issu de la fraude ne peut bénéficier d’aucun crédit.

Quel rôle devrait incarner l’armée dans la transition démocratique que vous réclamez ?

L’armée a des missions constitutionnelles permanentes qui sont la sauvegarde de l’indépendance nationale et la défense de la souveraineté nationale. Dans cette période de transition démocratique que je réclame, et qui doit passer par les urnes, l’armée, naturellement, aura à jouer un rôle de suivi, d’accompagnement et de garantie de la mise en œuvre des engagements pris par toutes les composantes politiques.

Et si cette transition ne devait pas avoir lieu ?

Je ne veux pas imaginer le pire… Je fais donc confiance à la sagesse des Algériens. Nous devons cette transition au peuple qui est fatigué de ce théâtre des ombres et de cette confiscation de ses libertés démocratiques.

Le pays est-il aux mains d’un clan affairiste qui s’est niché au plus près du pouvoir présidentiel ?

La puissance de ce clan autour du Président s’explique par un dénominateur commun : la survie du régime. Et par ses relais internationaux, qui ont pour mission de lui procurer une légitimité de l’extérieur faute de l’avoir de l’intérieur.

Comment expliquer cette deuxième visite de François Hollande, courant juin, à Alger ?

Essentiellement par des intérêts économiques conjoncturels. Notre pays est considéré comme un pays solvable, en même temps demandeur d’équipements et de biens de consommation. De son côté, la France contribue à cette légitimation internationale du régime.