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Libération

En Afrique, l’armée française en défense de zone

Au Mali ou en Centrafrique, Paris a donné les clés aux militaires.
publié le 29 mai 2015 à 20h07

Il y a un an, alors que les militaires français tentaient déjà de rétablir l’ordre en Centrafrique, il n’était pas rare d’apercevoir dans le restaurant le plus fréquenté de Bangui des diplomates français attablés avec des jeunes femmes vêtues de satin rouge qui affichaient leurs avantages physiques. Récemment, l’un de ces diplomates a fini par être rappelé. Mais un autre scandale s’est imposé : celui des soupçons de viols d’enfants par des militaires de l’opération «Sangaris», lancée par la France en 2013 pour éviter le chaos dans un pays qui a longtemps fait figure de caricature fossilisée de la Françafrique.

Partage. Tout change pour que rien ne change ? Comme ses prédécesseurs, Hollande a commencé par dénoncer les liens incestueux de la France avec ses ex-colonies, avant de faire preuve d'un activisme non dénué d'ambiguïtés. Alors que Sarkozy freinait les volontés interventionnistes de son chef d'état-major particulier, Benoît Pugat, Hollande, qui l'a conservé à son poste, a cédé à «cet homme de droite, proche des milieux catholiques intégristes», note un connaisseur, en validant deux guerres dont la France aura du mal à s'extirper : au Mali et en Centrafrique.

Certes, ces opérations sont placées sous l’égide des Nations unies. Certes, la sécurisation de l’Afrique relève d’abord d’un partage des tâches imposé par la «doctrine Obama» : les Etats-Unis ne pouvant plus être partout, la France accepte de jouer les gendarmes en Afrique, d’autant que c’est grâce à cette zone d’influence qu’elle maintient son rang. Les Africains ne sont pas dupes : le ministère de la Défense est désormais à leurs yeux le «ministère de l’Afrique» par excellence, celui qui justifie l’impunité accordée à Idriss Déby, l’inamovible président tchadien devenu acteur-clé du dispositif sécuritaire au Sahel.

La sécurité ne suffit pas à constituer une diplomatie de gauche, d'autant que les réseaux de l'Internationale socialiste, très actifs en Afrique, tendent à privilégier des interlocuteurs parfois usés et contestés, comme Ibrahim Boubacar Keïta au Mali ou Alpha Condé en Guinée. Reste la diplomatie économique tant vantée par le gouvernement Hollande qui ne cesse de souligner «l'immense potentiel des richesses en Afrique». Mais cette stratégie d'essence libérale permettra-t-elle de freiner la paupérisation des pays à croissance à deux chiffres ?

Silences. La rue africaine ne semble pas convaincue. Si la France était très populaire au Mali au début de l'opération «Serval», son jeu ambigu avec les Touaregs indépendantistes et la corruption d'un Président perçu comme élu avec son soutien a fait baisser sa cote. Sans oublier les silences coupables : alors que Sarkozy avait amorcé une timide réconciliation avec le Rwanda, où la France a trop longtemps soutenu les forces responsables du génocide de 1994, l'arrivée de Hollande s'est traduite par un gel dans la reconnaissance de cette page sombre de la politique française en Afrique. Mais il est vrai que c'était un autre président socialiste, François Mitterrand, qui était alors aux commandes.