Il a fallu attendre novembre 2014 pour que la France annonce qu’elle ne livrera pas à la Russie les deux navires porte-hélicoptères Mistral, vendus par contrat en 2011, tant que durera la crise ukrainienne. Et décembre pour que le ministre de la Défense ajoute qu’ils ne seront sans doute jamais envoyés. Jusqu’au dernier moment, François Hollande a semblé croire que Vladimir Poutine, qui aime tant montrer ses muscles au sens propre comme au sens figuré, pourrait par la grâce de Dieu ou de la diplomatie se muer en homme de paix.
Un entretien. En arrivant le 6 décembre à Moscou pour une escale impromptue après sa visite au Kazakhstan, alors que les dirigeants européens semblaient d'accord pour, dans le cadre des sanctions prises après l'annexion de la Crimée, bouder Moscou en raison de son implication en Ukraine, le président français s'écriait : «Il y a des périodes où il faut saisir des occasions. Nous en sommes arrivés là.» François Hollande convenait, après l'entretien avec son homologue russe : «Je pense que nous devons éviter qu'il y ait d'autres murs qui viennent [nous] séparer. A un moment, il faut être aussi capable de dépasser les obstacles et trouver les solutions.»
Format Normandie. Cinq mois plus tard, force est de constater qu'aucune solution n'est en vue. Les accords dits de «Minsk 2», signés en février, ne sont guère plus respectés que «Minsk 1», de septembre 2014. Chacune de ces trêves a été marquée par un agrandissement du territoire contrôlé par les prorusses dans l'est de l'Ukraine.
Depuis cette visite qui n'a débouché sur rien et cet accord boiteux de cessez-le-feu conclu dans le cadre du «format Normandie» (entre l'Allemagne, la France, la Russie et l'Ukraine, à savoir le quatuor réuni en juin 2014 lors des cérémonies du 70e anniversaire du Débarquement), Paris continue de célébrer l'esprit de dialogue, mais n'y croit plus vraiment.
François Hollande a préféré boycotter le défilé commémorant la victoire sur le nazisme à Moscou, au grand dam des philorusses français, comme le parti de Jean-Luc Mélenchon et celui de Marine Le Pen. Nicolas Sarkozy, qui a vendu les Mistral, ne pipe pas mot. Surtout qu’ils vont coûter très cher à la France, Moscou n’entendant pas se contenter de la proposition de Paris de rembourser les sommes déjà versées à condition de pouvoir vendre leurs navires à un autre pays. Car la Russie est au moins aussi dur en affaires qu’en politique.