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Libération

Le clown, la brute et les truands candidats aux élections

publié le 29 mai 2015 à 20h46

Le 21 avril, Cuauhtémoc Blanco quittait le stade de la ville de Puebla, raccrochait les crampons et enfilait son costume d’apprenti politicien. L’astre du football mexicain se consacrerait désormais à sa campagne pour conquérir la mairie de Cuernavaca, ville de près de 1 million d’habitants au sud de Mexico.

Celle de «Temo» n'est pas la plus folklorique des candidatures people en vue des scrutins législatif et local du 7 juin. A la faveur des scandales de corruption à répétition qui ont frappé la classe politique, une gamme disparate de personnages a décidé de participer au grand carnaval des listes électorales, en tant qu'indépendants ou sous la bannière de petits partis. «Sincèrement, je ne connais rien à la politique», avouait récemment le clown Lagrimita («petite larme»), Guillermo Cienfuegos de son vrai nom, candidat à la mairie de Guadalajara, la deuxième ville du pays.

Jouant la carte de la candeur, qu'ils arborent comme un signe d'honnêteté, ces néophytes entendent incarner l'antithèse des «politiciens [qui] n'ont pas de cœur», affirme Cuauhtémoc Blanco. Lagrimita, connu pour ses émissions télévisées, n'a eu aucun mal à trouver son slogan de campagne : «Il est temps qu'un vrai clown gouverne.» A Monterrey, la florissante ville du nord, le présentateur et ancien candidat de télé-réalité Patricio Zambrano tacle l'establishment en publiant sur Internet son numéro de portable, pour que les électeurs puissent le joindre.

Mais plaider l’antipolitique inclut certains dérapages. A Tijuana, la candidature d’une actrice de narcofilms (des vidéos à la gloire des narcotrafiquants) suscite la polémique. Et la populaire comédienne Carmen Salinas prétend devenir une députée citoyenne… pour le compte du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) d’Enrique Peña Nieto, le président éclaboussé par les scandales.

Le filon de l'antipolitique est si rentable que certains politiciens de carrière l'exploitent sans vergogne. Ainsi, dans l'Etat du Nuevo Léon, Jaime Rodríguez dit «El Bronco» («la brute»), ancien cadre du PRI, fait campagne en indépendant pour devenir gouverneur, séduisant l'électorat avec son style délibérément primitif de cow-boy tombé de son cheval. Abreuvant les réseaux sociaux de messages en argot populaire, parsemés de jurons et de fautes d'orthographe, El Bronco vilipende la classe politique traditionnelle à laquelle il a appartenu pendant plus de trente ans. Les rumeurs assurant qu'il battait sa femme n'entament pas sa popularité : il a d'ores et déjà brisé le bipartisme entre le PRI et le PAN du Nuevo León. Pour les foules qui accourent à ses meetings, il refait l'histoire : «J'ai toujours été un rebelle, jamais un politicien.» Un message auquel souscrivent des dizaines d'autres candidats farfelus à travers le pays.