Lundi, une majestueuse statue de 21 mètres de haut a été inaugurée à Achgabat, la capitale du Turkménistan. Le président actuel, Gourbangouly Berdymoukhamedov, y est représenté chevauchant vaillamment un fier destrier et tenant dans sa main droite une frêle colombe. La statue en bronze recouverte de feuilles d’or repose sur un socle de marbre blanc. Certains internautes, inspirés par un article du journal britannique The Guardian, qui a rapporté la nouvelle, n’ont pas manqué de comparer la chose à un bouchon de radiateur des voitures anciennes :
Cette pratique mégalomaniaque n'est pas nouvelle dans cette ancienne république soviétique d'Asie centrale, classée antépénultième (178) dans le classement de Reporters Sans Frontières (juste devant la Corée du Nord et l'Erythrée), ce qui n'empêche pas les entreprises de s'y presser, le pays étant riche en pétrole. Saparmourat Niazov, le prédécesseur de Berdymoukhamedov, mort en 2006 et qui dirigeait déjà le pays sous l'ère soviétique, avait instauré un culte de la personnalité sans limites. De nombreuses constructions ont vu le jour, notamment la Mosquée de Gypjak dans sa ville natale au sud du pays. Construite en 2004 par Bouygues, cette mosquée reste controversée pour afficher sur ses murs des citations du Ruhnama (le Livre des Âmes, écrit par Niazov lui-même) aux côtés de versets du Coran, un phénomène sans égal dans le monde musulman. La dépouille de Niazov y repose dans un mausolée.
Sous son règne, ses portraits et ceux de sa mère envahirent la capitale, tandis que tous les billets étaient frappés à son effigie (sauf ceux de 1 et 5 manat, soit 0,2 et un euro), les plus petites coupures).
Saparmourat Niazov, nommé président à vie après la chute de l'URSS, remodela même en partie la langue nationale. En changeant le nom des mois du calendrier : janvier pris le nom de Turkmenbachi , celui qu'il s'était lui-même donné et qui signifie «chef des Turkmènes», avril celui de gurbansoltan eje (le nom de sa mère), et septembre celui de Runhama. L'année 2003 devint également gurbansoltan eje, une variété de melon fut elle aussi affublée du nom de turkmenbachi tandis que le mot turkmène çörek («pain») fut banni et remplacé encore une fois par gurbansoltan eje.
Niazov a étentu son culte aux figures de son père et de sa mère, donnant à sa famille un air de Sainte-Trinité dans un pays où 89% de la population est musulmane. Les jours fériés et les fêtes nationales correspondent aux moments importants de la vie de madame Gurbansoltan Eje. Quant à son père, Atamurat Niazov, bien qu'aucune trace officielle n'existe dans les archives soviétiques, il serait un héros de la Seconde Guerre mondiale tombé dans les combats face aux nazis. Alors que la mère aurait été un exemple de bonté et de pureté d'âme, le père devait incarner à la perfection la dévotion et l'héroïsme national: le «parc mémoriel au héros du Turkménistan Atamurat Niazov» s'étend sur plus d'un kilomètre et relie le «parc de l'Amour maternel» au Boulevard… Atamurat Niazov.
A sa mort en 1996, Niazov fut remplacé par Gourbangouly Berdymoukhamedov. Ce dernier fit vivre un faux espoir à ses concitoyens et à la communauté internationale quand il commença à démanteler les installations de son prédécesseur. Nombreux crurent à un début d'ouverture. Les mois retrouvèrent leur appelation d'avant et la statue de Niazov qui tournait avec le soleil (haute de 12 mètres et placée sur un tripode de 63 mètres) fut enlevée. Il s'agissait en fait de supprimer le culte de son prédécesseur pour mieux le remplacer par le sien. En 2011, il devient «Arkadag», «patron protecteur» en turkmène. Les portraits géants de son prédécesseur sont remplacés par les siens, le «Protecteur vous Regarde».
Gourbangouly Berdymoukhamedov a également un surnom des plus originaux parmi les chefs d'Etat de la planète, celui d'«Eleveur de Chevaux du Peuple». L'animal incarne une part importante de la culture du Turkménistan. Grand amateur de chevaux, Berdymoukhamedov, a récemment participé à une course à Achgabat. Qui s'est soldée par un plat magistral sur le ventre lorsque sa monture eut la mauvaise idée de glisser, le catapultant au sol.