Du cash pour la santé, l’éducation, l’agriculture ; une lutte contre la pauvreté, le réchauffement climatique ou la corruption… Il y aurait bien, sur le papier, une politique de gauche : universaliste, solidaire, voire tiers-mondiste. En tout cas partisane d’une justice sociale, d’un rééquilibrage Nord-Sud, d’un soutien à l’émancipation des pays les plus pauvres. En pratique, c’est une autre histoire.
Un seul exemple : l'aide publique au développement. Elle a chuté d'un milliard d'euros depuis l'arrivée du nouveau locataire socialiste à l'Elysée et plafonne à 0,36% du revenu national brut. Quand, dans le même temps, un Premier ministre britannique conservateur l'a portée à 0,7%, seuil promis en 1969 par les pays riches. «La France puise allégrement dans l'enveloppe de l'aide afin de satisfaire sa politique de "diplomatie économique" : même la droite n'aurait pas osé faire de la sorte», s'agace un diplomate européen. Pour Pascal Canfin,ex-secrétaire d'Etat (EE-LV) au Développement, «ce serait moins une question gauche-droite que de vision stratégique. Pour Londres, le levier d'influence passe par l'aide. Pour Paris, ce levier est militaire, y compris budgétairement».
Sirène. Ce n'est pas le moindre des paradoxes. La gauche de gouvernement peut bien promouvoir un partenariat avec la société civile quand, de l'autre, elle bataille pour que la taxe sur les transactions financières, promue par Jacques Chirac, soit la plus indolore possible. Seule reste une certaine tenue dans l'aide multilatérale. Vers le Fonds mondial contre les pandémies ou Gavi (l'Alliance globale pour les vaccins), même si c'est sous forme de prêts concessionnels (plus avantageux qu'au taux du marché) et non via une contribution directe.
«Il n'y a pas de réelle diplomatie de gauche car la ligne française, c'est la ligne européenne qui accepte la ligne mondiale : la priorité absolue à la croissance et l'emploi, dit Gustave Massiah, figure altermondialiste. On donne la priorité aux exportations d'armes, aux accords de libre-échange, aux coups de mentons guerriers ; tout le reste, c'est de la gesticulation, même si le discours sur le climat est offensif.» Mais qu'en sera-t-il de ce sommet des sommets, cette fameuse COP 21, fin novembre à Paris, qui embarque désormais tous les grands enjeux de la planète (développement, finance, démographie) ?
«Cercle». Bien sûr, il y a cette droite qui méprise les Nationa unies et, comme du côté du Parti républicain américain, versent dans le climato-scepticisme ; ou celle, protectionniste et isolationniste qui se moque (sauf quand la sirène «enjeu de sécurité nationale» est actionnée comme sur le sida ou Ebola) des grands défis du XXIe siècle.
«Mais le pointillé qui sépare la gauche de la droite n'est pas clair», avoue le président de l'association 4D, Pierre Radanne, qui dresse une autre ligne de partage. D'un côté, il y aurait selon lui, ceux qui veulent régler l'enjeu climat «dans le cadre du G20, entre industrialisés et émergents, sur le mode "on pèse 80% des émissions de CO2, on en discute entre nous"». Autrement dit «la jouer Davos, en comité restreint entre nouveaux riches et anciens riches». Un cercle dans lequel se verrait bien Laurent Fabius, qui voit des firmes comme Renault, EDF ou Engie (ex-GDF Suez) en «amis du climat» cofinançant la COP. De l'autre côté, poursuit Radanne, «il y a une gauche partisane d'une justice climatique mondiale, qui assure qu'on ne pourra pas régler le climat sans alliance avec les pays en développement les plus en souffrance, et dans laquelle des hommes comme Jean-Louis Borloo se retrouvent».