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Libération
Récit

En Corée du Sud, la peur du coronavirus

Deux personnes infectées par le coronavirus MERS sont mortes et on recensait mercredi 35 cas de contamination.
Le coronavirus observé au microscope, à Londres le 19 février 2013. (Photo. Reuters)
publié le 4 juin 2015 à 7h36
(mis à jour le 4 juin 2015 à 8h11)

A la pharmacie Hongsin, en plein cœur de Séoul, les clients défilent au comptoir pour demander des masques. «J'en vends cinq fois plus que d'habitude», estime Kim Kyoung-han, la pharmacienne. «La peur du MERS se répand plus vite que le virus lui-même», titrait mercredi le quotidien Hankyoreh.

Deux semaines après l’identification du premier cas d’infection par le coronavirus MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient), deux premiers décès ont été annoncés mardi, et les autorités recensaient jeudi trente-cinq cas de contamination. Les victimes, une femme de 58 ans et un homme de 71 ans, avaient toutes deux été hospitalisées dans le même établissement que le tout premier patient, un homme de 68 ans qui revenait d’un séjour dans plusieurs états du golfe Persique et a survécu.

Depuis, le gouvernement multiplie les mesures de prévention. Plus de 1364 personnes jugées à risque ont été placées en quarantaine et environ 200 écoles sont restées fermées mercredi. Lors d’une réunion d’urgence convoquée le même jour, la présidente Park Geun-hye a annoncé la création d’un groupe de travail ayant pour tâche de contenir l’avancée du virus.

Proche du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), qui avait fait près de 800 morts dans le monde en 2003, le MERS est plus mortel mais moins contagieux. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses voix se demandent comment le pays a pu devenir le plus grand foyer de l'épidémie en dehors du Moyen-Orient. «Je ne comprends pas comment la Corée a pu échapper au SRAS, pourtant plus contagieux, et être autant touchée, s'interroge Ji-ye, trentenaire salariée. Il doit forcément y avoir des failles dans notre système de santé.»

La confiance de la population envers les autorités minée

La découverte de nouveaux malades qui n’ont pas été contaminés directement par le patient «zéro» a contribué à miner la confiance de la population dans les autorités, déjà ébranlée après le naufrage du ferry Sewol l’an dernier ainsi que par un vaste scandale de corruption ayant mené à la démission du Premier ministre en avril. Après avoir dans un premier temps minimisé le risque d’infection par un tiers, le ministère de la Santé a été contraint de s’excuser. Les Sud-Coréens reprochent également aux autorités d’avoir laissé un homme infecté prendre un avion pour la Chine la semaine dernière.

En refusant de divulguer la liste des hôpitaux ayant accueilli des patients infectés, le gouvernement a par ailleurs laissé la porte ouverte à toute une série de rumeurs sur le web. Bon nombre de personnes n’osent plus se rendre chez le médecin ou à l’hôpital, rapporte la presse coréenne. D’autres ont pris le parti d’en rire. Ainsi, la décision d’un zoo de Séoul d’isoler deux chameaux - qui seraient pourtant nés en Corée - attire les railleries.

Les experts n'excluent pas une mutation du virus pour expliquer la propagation de l'épidémie. La période maximale d'incubation étant estimée à 14 jours, on devrait mieux en estimer l'ampleur dans les prochains jours. Mais le tourisme est déjà affecté: d'après le quotidien Chosun, près de 2500 touristes chinois et taïwanais auraient déjà annulé leurs vacances à Séoul.