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Libération
EDITORIAL

Asile

Edward Snowden en vidéoconférence au parlement de Stockholm en décembre 2014. (Photo AFP)
publié le 5 juin 2015 à 0h56

Il y a tout juste deux ans, Edward Snowden révélait comment les Etats, les Etats-Unis au premier chef, piétinaient le droit des citoyens à la vie privée. Le monde entier était potentiellement surveillé et chacun un suspect éventuel. Il n'y avait plus de «Je ne crains rien car je n'ai rien à me reprocher» qui vaille. Certains spécialistes savaient que ces systèmes étaient à l'œuvre. Snowden a révélé l'ampleur de leur utilisation et permis une prise de conscience. Sans lui, nous n'aurions peut-être jamais su la puissance de ces systèmes. Si nous pouvons expliquer à nos lecteurs et à ceux qui nous gouvernent pourquoi ces dispositifs de surveillance extraordinairement puissants sont contraires à la démocratie et inefficaces, c'est grâce à Edward Snowden.Si nous pouvons commencer à nous protéger de ces dispositifs intrusifs, c'est grâce à Edward Snowden.

Le lanceur d’alerte américain a payé le prix fort de la vérité révélée : «CitizenFour» vit désormais dans un état de liberté surveillée, loin de son pays. Il n’est ni un traître ni un ennemi. Pourtant, le gouvernement français le traite comme tel et refuse de lui accorder l’asile constitutionnel auquel a droit une personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté. On comprend que la France soit gênée aux entournures. Accorder cet asile ferait grincer des dents du côté de la Maison Blanche. Et puis, dans quelques jours, les sénateurs français voteront un projet de loi sur le renseignement qui gravera dans le marbre des dispositifs de surveillance massive, indifférenciée, justement dénoncés par les opposants à la NSA. Nous avons déjà écrit notre opposition farouche et déterminée à ce que la France suive la voie du Patriot Act à l’américaine.

Au moment où les autorités des Etats-Unis vont très légèrement encadrer les moyens de surveillance, une prise de conscience du gouvernement français serait salutaire : refuser de gouverner par la peur, donner plus de temps au débat, être attentif à des opposants qui ne demandent que des garanties réelles face à un système de surveillance surpuissant et liberticide sont les gestes d’un pouvoir à l’écoute des citoyens. Et si le gouvernement accordait une protection à Snowden, ce serait conforme à cet esprit du 11 Janvier qu’il ne cesse de brandir. Et de bafouer.