Menu
Libération
Profil

La chevauchée triomphale de «la Brute» au Mexique

Jaime Rodiguez alias «El Bronco» a été élu gouverneur de l’Etat le plus riche du pays, une première pour un candidat non soutenu par les partis traditionnels.
Dimanche matin, à Garcia, ville de l'Etat du Nuevo Leon, Jaime Rodriguez Calderon alias «El Bronco» selle son cheval pour aller voter. (Julio César Aguilar. AFP)
publié le 8 juin 2015 à 12h15

Des élections aux contrastes saisissants se sont tenues dimanche au Mexique. Dans le calme sur la majeure partie du territoire et la violence dans les régions où on déplore de nombreux disparus, le parti au pouvoir s’est imposé aux législatives, alors que la victoire d’un candidat indépendant a marqué les scrutins locaux.

Jaime Rodriguez, 57 ans, le populiste au couvre-chef de cow-boy s'est donc emparé du poste de gouverneur du Nuevo León, l'Etat le plus riche du pays, avec un score confortable (plus de 49% des voix). El Bronco (la brute, la grande gueule), de son surnom, a cavalé en tête et en solitaire dans la campagne, sans l'appui d'aucun parti, brandissant l'étendard des premiers candidats indépendants admis dans un processus électoral. L'homme reproduit le style de l'ancien président Vicente Fox, le paradigme du politicien aux bottes pointues et au bon sens populaire. Au point que des commentateurs le voient déjà suivre la piste du mandataire ranchero (fermier) : «Le prochain président sera-t-il un indépendant ?»

Les partis traditionnels décrépits par la corruption

Sa victoire est interprétée par les analystes comme un terrible coup de boutoir porté aux partis traditionnels, décrépits par la corruption. «La Brute», qui se présente comme un rebelle prêt à terrasser le crime, est pourtant un politicien professionnel, qui a été cadre du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) durant plus de trente ans. Or, c’est précisément son discours antipolitique qui l’a propulsé dans les sondages.

Les 124 candidats indépendants en lice lors des élections, principalement sur les listes régionales et municipales, ont tous exploité, avec plus ou moins de succès, la lassitude de l’électorat mexicain vis-à-vis des partis traditionnels. La multiplication des petites formations qui siégeront à la Chambre des députés participe de cette même lassitude : l’éclatement du vote est traduit comme un message envoyé aux dinosaures de la politique, PRI en tête. Le parti du président Enrique Peña Nieto est tout de même parvenu à sauver les meubles : selon les résultats préliminaires, il conserve une courte majorité, 27 à 30 % à la Chambre, contre 21 % pour le Parti d’Action Nationale (droite) et près de 20 % combinés par les deux principaux partis de gauche, le Parti de la révolution démocratique et Morena.

Ces résultats représentent, de l'avis unanime des commentateurs, un soulagement pour Peña Nieto, mis à mal par les scandales. Le président, qui arrive à la moitié de son mandat de six ans, n'est pas parvenu à dissiper les accusations de conflits d'intérêts à l'encontre de son gouvernement, ni à faire oublier l'affaire des 43 étudiants disparus dans la ville d'Iguala, Etat du Guerrero, avec la complicité des pouvoirs locaux.

Tentatives de boycott et manifestations 

A Tixtla, siège de l’Ecole normale rurale d’Ayotzinapa, d’où provenaient les disparus, des manifestants, notamment des étudiants et des proches des 43, ont tenté de boycotter la tenue du scrutin dimanche matin. Contestant la légitimité des autorités et la validité des élections, les insurgés se sont emparés du matériel électoral, brûlant des bulletins de vote et empêchant l’installation de plusieurs urnes dans la ville, ce qui a suscité une riposte violente de la part de militants du PRI. Dans l’Etat de Oaxaca, des syndicats enseignants, en révolte contre la réforme éducative, ont mené plusieurs actions contre les bureaux de vote. Ces troubles ont été réprimés par les forces de sécurité. Plus d’une centaine de personnes ont été arrêtées dans ces deux régions du sud du Mexique, où les conflits sociaux dérivent généralement en affrontements avec la police.

Le gouvernement avait ordonné samedi le déploiement d’importants contingents de policiers fédéraux et militaires dans ces zones. Que certaines régions doivent être militarisées pour garantir le déroulement des élections a été considéré, par certains commentateurs, comme un signe d’affaiblissement du système politique du PRI.

Cependant, sur la majorité du territoire mexicain, le vote s'est déroulé dans le calme et sans incidents majeurs. «Nous sommes des millions de Mexicains à être allés voter malgré les actions violentes de ces derniers jours», a déclaré Peña Nieto dimanche soir, se présentant en victime des actes de boycottage. Environ 48 % des électeurs se seraient rendus aux urnes, une proportion décente pour des élections intermédiaires, qui enregistrent une participation plus faible que la présidentielle.