Devaraja accuse la centrale électrique au diesel qui avoisine ses terres de tous les maux. L'homme avance d'un pas énervé vers son grand champ. Il secoue la tête : «Regardez, ces feuilles sont endommagées ! Nous allons sûrement devoir tout détruire.» «Nos récoltes ont chuté de 80 % en dix ans», raconte cet ex-comptable de la banlieue de Jaffna, dans le nord du Sri Lanka, qui cultive ses terres pour compléter sa retraite. Il nous mène là où son puits descend jusqu'à la nappe phréatique. On remonte de l'eau. Quelques taches irisées apparaissent à la surface : «C'est de l'huile, assure Devaraja. Souvent, on peut même sentir une odeur d'essence.»
En 2012, une étude a montré que six puits contenaient des taux trop élevés en huiles et en graisses. La plupart se trouvent près de la «route de la centrale électrique». Un ex-ingénieur résidant dans la zone a mené le combat contrela centrale au diesel depuis 2009. Selon lui, l'usine aurait utilisé 200 000 litres d'huile depuis 2008, mais «personne ne sait comment ils s'en sont débarrassés. Nous pensons qu'ils ont injecté l'huile dans les nappes phréatiques».
Mais l'origine de cette pollution pourrait être plus ancienne. Une centrale similaire de la localité aurait été endommagée durant la guerre entre l'armée et les Tigres tamouls, entraînant une importante fuite qui aurait créé une flaque de la taille d'un lac, recouverte de terre en 2012. Les produits toxiques s'écouleraient toujours. «Selon les rapports que j'ai pu lire, c'est l'ancienne centrale publique qui en serait responsable, dit Hemanth Withanage, militant écologiste. C'est donc à l'Etat de lancer les opérations de nettoyage de la zone pour éviter l'aggravation de la pollution.»