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A Bakou, des jeux sous le joug du prince

publié le 17 juin 2015 à 19h36

Les dirigeants les plus mégalos de la planète sont souvent prêts à tout pour laisser une trace dans l’histoire par le biais du sport. Le «tsar» Vladimir Poutine a ainsi lancé les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi (2014) dans une station balnéaire russe située sur la mer Noire. Et l’émir du Qatar se moque bien de savoir que la fournaise de son pays n’a rien à voir avec les gazons anglais quand il s’agit d’accueillir en 2022 la Coupe du monde de football.

Un homme, leader absolu d’un petit pays vivant de la manne pétrolière, est en train de faire mieux. Il a pratiquement inventé de toutes pièces de nouveaux jeux, les Jeux européens, organisés sur le modèle des Jeux asiatiques ou panafricains. Des jeux qui se tiennent depuis samedi et jusqu’au 28 juin à Bakou, la capitale de son pays. Ilham Aliev, président de l’Azerbaïdjan, un pays issu de l’explosion de l’Union soviétique, que les géographes placent en Asie et les géopoliticiens en Europe (le pays est d’ailleurs membre du Conseil de l’Europe), n’est pas totalement inconnu. Elu en 2003, réélu en 2008 et en 2013, il a succédé à la tête du pays à son père, Heydar Aliev (1923-2003), un dinosaure de l’époque soviétique qui a dirigé l’Azerbaïdjan pendant trente ans (à la tête du KGB puis du Parti communiste avant l’indépendance, puis comme président à partir de 1993).

Tout comme son père, qui fut le fer de lance de l’opposition à la démocratisation façon Gorbatchev dans les années 80, Ilham Aliev, âgé de 53 ans, est fâché avec la démocratie et ses corollaires, la liberté d’expression comme l’alternance politique. Bakou, éliminé de la liste finale des villes candidates à l’organisation des Jeux olympiques de 2020, n’a obtenu des comités olympiques européens d’organiser les nouveaux jeux (une vieille idée qui traînait dans les boîtes) qu’en promettant de régler tous les frais de la compétition, du transport à l’hébergement des concurrents, sans oublier la communication. Il n’est donc pas sûr qu’il y en aura dans l’avenir une deuxième édition ; les Pays-Bas, pressentis, venant de déclarer forfait faute de moyens. Ne dépense pas un milliard d’euros qui veut.

A la veille de l’ouverture des jeux, auxquels participent 6 000 athlètes de 50 pays (répartis en 20 sports), les ONG se sont fait les porte-parole de l’opposition emprisonnée et de la presse muselée. Bakou a refusé l’entrée à une délégation d’Amnesty International et à de nombreux journalistes étrangers. Le bureau de l’OSCE a lui-même dû fermer ses portes. Faible consolation : les diplomates européens ne se sont pas pressés sur les tribunes. Trop peu, trop tard…