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Analyse

Présidentielle : les prétendants lâchés en race campagne

Tandis que Barack Obama relance la question du contrôle des armes, Hillary Clinton reste évasive sur ce sujet sensible.
Hillary Clinton le 13 juin 2014 à Washington (Photo Nicholas Kamm. AFP)
publié le 18 juin 2015 à 20h06

Sur les rares photos diffusées par la police et les médias, la ressemblance est glaçante. D’un côté, Adam Lanza, l’auteur de la fusillade de Newtown, dans le Connecticut - 26 morts, dont vingt enfants, en décembre 2012. De l’autre, Dylann Roof, le tireur de l’église de Charleston. Deux jeunes hommes blancs, âgés d’une vingtaine d’années. Même teint blafard, même coupe au bol. Et manifestement, même fascination pour les armes à feu et facilité à s’en procurer.

Prudence

Dans sa première réaction après le drame de Charleston, Barack Obama a ainsi déploré qu'«une nouvelle fois, des gens innocents aient été tués parce que quelqu'un qui cherchait à faire du mal n'a eu aucune difficulté à mettre la main sur un pistolet». Regrettant une tragédie «déchirante», il a également appelé l'Amérique à «reconnaître le fait que ce type de violence de masse n'arrive pas dans les autres pays développés». Les mots du président américain rappelaient tristement son discours prononcé, les larmes aux yeux, après le drame de Newtown. A l'époque, Obama s'était engagé à durcir la législation sur les armes. Ses promesses s'étaient heurtées à l'opposition farouche des républicains, et d'une partie des démocrates, au Congrès. A l'heure où débute la campagne de la présidentielle 2016, le contrôle des armes à feu n'est absolument pas un sujet de discussions. Et la tuerie de Charleston risque d'avoir autant d'impact - c'est-à-dire aucun - que celle de Newtown. Plus prudente que le président, Hillary Clinton n'a d'ailleurs pas évoqué la question des armes dans sa première réaction. «Nouvelle dévastatrice en provenance de Charleston. Mes pensées et mes prières sont avec vous», a posté la candidate à l'investiture démocrate sur son compte Twitter. Outre la question des armes à feu, c'est surtout le motif racial du drame de Charleston qui interpelle. «Le fait que cela ait lieu dans une église noire soulève évidemment des questions sur une page sombre de notre histoire», a déclaré Barack Obama. Cette attaque «est un rappel tragique que la tache immonde du racisme souille toujours notre nation», a vivement réagi le sénateur Bernie Sanders, lui aussi candidat à l'investiture démocrate.

Divisions

Alors que depuis des mois, la communauté noire se mobilise pour dénoncer les inégalités et les violences policières dont elle est victime, le drame de Charleston peut-il contribuer à mettre le sujet au cœur de la campagne ? Ultra-favorite au sein du camp démocrate, Hillary Clinton a souvent été critiquée pour son manque d'implication sur ce sujet. Lors de son premier meeting de campagne, tenu récemment à New York, elle n'a pas directement évoqué la question des violences policières, se contentant de dénoncer les inégalités frappant «les gens de couleur». Mercredi, alors qu'elle se trouvait justement à Charleston pour une visite axée sur le chômage des jeunes, l'ancienne secrétaire d'Etat a toutefois pris quelques minutes pour aborder la question des abus policiers. Profitant de son passage sur place, elle a en effet appelé la famille de Walter Scott, un homme noir tué en avril dernier de plusieurs balles dans le dos par un policier. L'assassinat, filmé par un témoin, avait attisé les vives tensions raciales nées ces derniers mois de plusieurs affaires de violence policières. D'après un avocat de la famille Scott, l'ancienne secrétaire d'Etat a présenté ses condoléances et promis «de travailler pour qu'un tel drame ne frappe pas une autre famille». Reste désormais à savoir si Hillary Clinton aura le courage politique, au cours de la campagne, de s'attaquer frontalement à un sujet qui divise les Américains, la population blanche, notamment, estimant majoritairement qu'il n'y aucun problème racial aux Etats-Unis. La communauté noire, de son côté, n'est évidemment pas du même avis. Selon un récent sondage du Washington Post, les Noirs américains considèrent désormais la question raciale comme le problème le plus important de l'Amérique.