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Libération
Droit de suite

Indonésie : le recours de Serge Atlaoui rejeté, et maintenant ?

La cour administrative de Jakarta a donné tort à la défense du Français. Si l'espoir d'échapper à une exécution s’amenuise, ses avocats envisagent d'autres solutions.
Manifestation de soutien à Serge Atlaoui dans sa ville d'origine, Metz, le 25 avril. (Photo Alexandre Marchi. AFP)
publié le 22 juin 2015 à 15h55

Après presque deux mois d’attente, Serge Atlaoui, un Français condamné à mort en Indonésie, recevait ce lundi le verdict de la cour administrative de Jakarta. Il y contestait la décision, prise en janvier, du président Joko Widodo de lui refuser sa demande de grâce. La cour a tranché : elle ne s’estime pas compétente pour statuer sur la grâce présidentielle, et refuse les arguments de la défense.

Cette décision n'est pas vraiment surprenante. Avant lui, les Australiens Andrew Chan et Myuran Sukumaran avaient vu un recours similaire rejeté par le même tribunal le 5 avril, après avoir eux aussi présenté un expert administratif. La contestation devant cette juridiction est presque un passage obligé pour tous les condamnés à mort en Indonésie qui épuisent les procédures dans le but de retarder l'échéance ou de voir commuer leur peine.

Ce qui est surprenant en revanche, c’est la manière dont l’affaire a été menée par la justice. Plusieurs fois, les audiences ont été reportées, laissant un répit au Français mais renforçant l’image d’une justice indonésienne hésitante. S’il a échappé à son exécution in extremis le 29 avril grâce à ce recours, alors que 7 autres détenus ont eux été fusillés, le rejet du tribunal administratif pourrait bien relancer le processus.

D’autres procédures envisagées

Pour la suite, nul ne sait vraiment ce qu'il se passera. Sa défense – qui refuse pour le moment de s'exprimer – avait expliqué, il y a quelques semaines «envisager de nouvelles procédures». Ce qui est sûr, c'est que Serge Atlaoui et ses proches ont devant eux quelques semaines pour y réfléchir. L'Indonésie, plus grand pays musulman au monde, est en plein ramadan et tourne donc au ralenti.

Si le recours devant la cour administrative avait fait office, pour les deux Australiens, de dernière chance – ils ont été exécutés –, les avocats du Français peuvent, eux, abattre une dernière carte. La loi indonésienne prévoit qu'un condamné à mort soit exécuté en même temps que les personnes jugées pour la même affaire. Or, pour le moment, les autorités ne semblent pas pressées de faire fusiller les Indonésiens concernés dans le dossier de Serge Atlaoui. C'est d'ailleurs également la défense de Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, qui avait pointé du doigt en avril de «graves dysfonctionnements de la justice indonésienne».

La crainte que la machine médiatique s’emballe

L'autre espoir, c'est que cette affaire garde une part d'inattendu et d'irrationnel. Depuis l'annulation au dernier moment de son exécution, certains observateurs estiment que la France a exercé une pression diplomatique importante. Si le pays n'est pas un partenaire économique majeur de l'Indonésie, il dispose néanmoins de bons arguments : Total y est le premier exploitant en gaz naturel et en pétrole et Danone y emploie plus de 14 000 personnes dans 21 usines.

La seule crainte, désormais, est que la machine médiatique s'emballe. Pour l'instant, les journaux indonésiens n'ont que très peu d'intérêt pour l'affaire. Seul le Jakarta Globe, fermement opposé à la peine de mort en Indonésie, a relayé l'affaire, en le mettant même en tête de son site ce lundi. Si le cas Atlaoui venait à devenir une des préoccupations majeures des médias indonésiens, cela pourrait devenir un débat pour les citoyens, en majorité favorable à la peine de mort. Le Président, attaché à son image rigoureuse face aux trafiquants de drogue, pourrait alors précipiter l'exécution, n'ayant d'autre choix que de tenir ses engagements.