Il fallait décidément leur montrer le fond du gouffre. Les scénarios du défaut grec qui ont fleuri ces derniers temps ( Libération de lundi) ont eu une vertu pédagogique : chacune des parties a pu se persuader qu'une bonne rupture coûterait bien plus cher qu'un mauvais compromis. Si la Grèce se déclarait en banqueroute, sept ans de malheur, au moins, s'abattraient sur son peuple. Non que le maintien dans l'Europe soit un chemin de roses, bien au contraire. Mais la sortie se paierait par une panique monétaire, une baisse draconienne du pouvoir d'achat et une austérité budgétaire sans faille pour de longues années, faute d'accès aux marchés financiers. Effort dans l'Europe ou misère en dehors d'elle : le choix n'a rien de réjouissant mais il n'y en a pas d'autre. Revenu au réel, Aléxis Tsípras semble avoir admis que dans cette négociation, des propositions précises sur le budget ou la fiscalité sont plus efficaces que les envolées lyriques, aussi justifiées soient-elles. Ces gestes ayant été accomplis par la Grèce, les Européens doivent comprendre qu'on ne peut pas jouer éternellement les Shylock et réclamer une livre de chair à son débiteur. Une défaillance grecque coûterait aussi aux Européens : elle leur laisserait une ardoise (quelque 40 milliards pour la France) et un précédent désastreux installerait l'idée que la construction européenne est fragile, réversible, ou qu'elle est si contraignante politiquement qu'on est obligé d'en sortir faute de pouvoir passer sous ses fourches caudines. L'accord n'est pas là et rien n'est fait. De nouveaux soubresauts peuvent jeter bas l'édifice péniblement esquissé. Mais au bord du vide, la sagesse a marqué un point…
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