La note de la NSA (10 juin 2011)
Sarkozy déterminé à poursuivre une initiative au Proche-Orient, pourrait faire pression sur le président américain. (TS//SI-G//OC/NF)
«Malgré un apparent manque d’intérêt de la part de certains acteurs majeurs, le président Nicolas Sarkozy a affirmé le 7 juin sa détermination à poursuivre une initiative visant à relancer des pourparlers de paix directs entre Israël et les Palestiniens. Une conversation entre Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a également révélé qu’il était envisagé d’inclure le Quartet dans ce processus ; les deux envisagent toutefois une telle invitation avec circonspection car le groupe pourrait refuser de se plier aux souhaits de Paris. La France ne faisant pas partie du Quartet, ils craignent qu’elle ne puisse contrôler ce qui pourrait transpirer d’une de ses réunions et, si le Quartet choisissait de ne pas soutenir des pourparlers directs, la proposition française serait tuée dans l’œuf. Un autre sujet de préoccupation concernait la dynamique du Quartet : Paris craint que dans des réunions impliquant le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le secrétaire-général des Nations unies Ban Ki-Moon, le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et le secrétaire d’Etat américain, ces deux derniers ne dominent les débats. Enfin, le président envisage d’en appeler au président russe Dimitri Medvedev pour lancer une possible initiative conjointe sans les Etats-Unis ou, autre option, d’envoyer un ultimatum au président des Etats-Unis sur la question de la reconnaissance d’un Etat palestinien. Cet ultimatum exigerait que Washington soutienne les efforts de la France pour relancer le processus de paix, faute de quoi Sarkozy dirait au président américain que Paris ne soutiendra pas les Etats-Unis en septembre (référence probable aux délibérations de l’assemblée générale des Nations unies portant sur la création d’un Etat palestinien).»
«Ami d’Israël» comme il se présente lui-même, Nicolas Sarkozy a tenté dès son élection d’infléchir la politique française, perçue comme pro-palestinienne, tout en s’impliquant dans la relance du processus de paix. En 2008, le président israélien Shimon Pérès est le premier dignitaire étranger à être reçu à Paris en visite d’Etat. La même année, Sarkozy se rend en Israël et livre un discours enflammé à la Knesset. «Le peuple français sera toujours à votre côté quand l’existence de votre Etat sera menacée», déclare-t-il. Il se prononce également en faveur de la création d’un Etat palestinien et demande l’arrêt de la colonisation.
Mais dans les mois qui suivent, il a beau enchaîner les rencontres et multiplier les initiatives, le processus de paix reste au point mort. Début 2011, le déclenchement du printemps arabe incite Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, à tenter d’organiser une conférence de paix à Paris.
Comme le relate la NSA, l’idée est d’instaurer des pourparlers directs entre Israéliens et Palestiniens, sous la supervision d’un groupe de pays plus large que le seul Quartet (Union européenne, Etats-Unis, Nations unies et Russie) dont la France ne fait pas partie. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, reçu fin avril à Paris, se déclare favorable. Le Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, en visite en France quelques jours plus tard, écoute la proposition française mais ne l’endosse pas. Le 6 juin 2011, la veille de la diffusion de la note de la NSA, la secrétaire d’Etajt américaine, Hillary Clinton, reçoit Alain Juppé à Washington. Elle n’exclut pas qu’une conférence puisse se tenir en France mais estime qu’il faut «attendre».
La note de la NSA montre que Paris n’abandonne pour autant pas. Mais l’hypothèse que Sarkozy en appelle au président russe Dimitri Medvedev pour une initiative conjointe, sans les Etats-Unis, semble n’être que théorique. «Penser que l’on peut avancer sur ce dossier dans le dos des Etats-Unis est totalement irréaliste», explique un diplomate.
Quant à l’«ultimatum» cité par la note de la NSA, exigeant un soutien américain à l’initiative française, il a en réalité déjà été formulé publiquement par Sarkozy. En mai 2011, lors d’une interview accordée à l’Express, il déclare que la France «prendra ses responsabilités sur la question centrale de la reconnaissance de la reconnaissance de l’Etat palestinien» à l’ONU si les négociations ne sont pas relancées.
Après l’échec en juillet d’une réunion du Quartet, Mahmoud Abbas demande en septembre au Conseil de sécurité des Nations unies de reconnaître un Etat palestinien selon les frontières de 1967. La requête n’a aucune chance d’aboutir, les Etats-Unis ayant annoncé qu’ils mettraient leur veto. Les Palestiniens demanderont finalement à l’Assemblée générale de l’ONU un statut d’«Etat observateur non-membre». Ils l’obtiendront facilement en novembre 2012, 138 pays sur 188 se déclarant favorables. Parmi eux figure la France.