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Libération
Décryptage

Pourquoi l’état d’urgence a-t-il été décrété en Tunisie ?

Le Président a annoncé le retour de ce dispositif, qui accroit les pouvoirs des forces de sécurité, après les deux attentats qui ont frappé le pays.
Le président tunisien Béji Caïd Essebsi, le 28 juin 2015 à Tunis (Photo Fethi Belaid. AFP)
publié le 4 juillet 2015 à 15h21
(mis à jour le 4 juillet 2015 à 19h58)

Le président tunisien Béji Caïd Essebsi a décrété ce samedi l'état d'urgence huit jours après l'attentat sanglant qui a tué 38 touristes dans un hôtel en bord de mer à Sousse. Décryptage.

Qu’est-ce que l’état d’urgence en Tunisie ?

Le dispositif d'état d'urgence a été mis en place par un décret du Président Habib Bourguiba le 26 janvier 1978. Il s'applique «en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public». La mesure porte sur une durée de trente jours renouvelable par décret.

L'état d'urgence restreint la circulation des personnes, interdit toute grève et renforce les pouvoirs des forces de sécurité. C'est la quatrième fois que l'état d'urgence est décrété en Tunisie : en 1978, il a été actionné par arrêter une grande grève de la centrale syndicale ; en 1983, l'état d'urgence a servi à réprimer une émeute du pain ; en 2011, le dispositif a été activé après la fuite du président Ben Ali. Il avait été levé en mars 2014.

Pourquoi l’état d’urgence maintenant ?

La Tunisie vient de subir deux importants attentats, revendiqués par l'Etat islamique (EI), en trois mois : le 18 mars, des tueurs ont abattu 22 personnes à l'intérieur du musée du Bardo, à Tunis. Le 26 juin, Seifeddine Rezgui, armé d'une Kalachnikov, a tué 38 touristes à l'hôtel Impérial Marhaba de la station balnéaire de Sousse. Il s'agit de l'attentat le plus meurtrier de l'histoire moderne de la Tunisie.

L'état d'urgence vise à limiter les risques de nouveaux attentats et à arrêter plus facilement les terroristes connus. La mesure vise surtout la zone frontalière avec la Libye. Les auteurs des deux attentats se sont entraînés dans un camp jihadiste, dans la ville libyenne de Sabratah. Selon le ministère de l'intérieur, deux membres du réseau auquel appartenait Seifeddine Rezgui seraient encore là-bas. «La Libye est un énorme chaos, hors de tout contrôle […] Ceux qui nous combattent se trouvent en majorité en Libye […] Le terrorisme n'est pas tunisien», a ainsi expliqué le chef de l'Etat. Samedi, le passeur qui aurait fait traverser les tueurs du Bardo et de Sousse en Libye se serait «suicidé» alors qu'il était encerclé par la police.

L’état d’urgence signifie-t-il un retour à l’ancien régime ?

«Si des attentats similaires à ceux de Sousse ou du Bardo venaient à être perpétrés, l'Etat disparaîtrait», c'est ainsi que Béji Caïd Essebsi a justifié l'état d'urgence. La société civile est circonspecte. «On peut expliquer et comprendre cette mesure. Mais, il y a une crainte que la durée ne s'éternise et qu'elle finisse par porter atteinte aux droits fondamentaux, notamment celui du droit de grève», tempère Abdesattar Ben Moussa, président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme.

A la télévision, le Président tunisien s'en est pris aux multiples mouvements de grèves qui empêcheraient les forces de l'ordre de se concentrer sur leur mission d'antiterrorisme. «Nous ne reviendrons pas sur la liberté d'expression et de la presse mais celui qui exerce ce droit doit garder en tête la situation actuelle», a prévenu Béji Caïd Essebsi.