C’est avec faste que le Soudan du Sud célèbre ce jeudi les quatre ans de son indépendance alors que le pays, plus jeune nation au monde, est plongé depuis dix-huit mois dans une guerre civile qui a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes, dont de nombreux enfants, selon les chiffres de plusieurs ONG et de l’ONU. Les combats, surtout localisés dans les Etats du nord du pays, opposent l’actuel président, Salva Kiir, à son ancien vice-président Riek Machar. Ce dernier a pris la tête d’une rébellion après avoir été limogé du gouvernement. Les deux camps sont accusés d’avoir commis des massacres.
Malgré ce contexte, la présidence n'a semble-t-il pas regardé à la dépense pour fêter en grande pompe l'anniversaire du pays. Plusieurs milliers de personnes sont rassemblées depuis 8 heures ce jeudi matin à Juba, la capitale, sur la place du mémorial du Dr John Garang, emblématique personnage sud-soudanais : le fondateur du mouvement pour l'indépendance du pays est mort dans un crash d'hélicoptère en 2005. Son mémorial a été rénové pour l'occasion.
«Notre force est notre unité»
Face à ce public encadré par un important dispositif de sécurité, d'imposantes tribunes – au dessus lesquelles on peut lire en grosses lettres «Notre drapeau est notre fierté́» et «Notre force est notre unité» – regroupent les officiels.
Une importante partie a été attribuée aux gradés des forces armées. Une autre accueille les représentants de nombreux pays : des ambassadeurs, des ministres, des représentants des Parlements, mais aussi le président du pays voisin, l’Ouganda.
Salva Kiir est arrivé vers 10 h 30, encadré par plusieurs motards et véhicules de sécurité. Juché sur un pick-up entouré de ses gardes du corps, il a salué la foule au son d’une tonitruante musique et d’applaudissements nourris. Les troupes ont ensuite défilé tandis qu’un hélicoptère militaire survolait le site.
«Nous avons tout perdu»
Dans le public, beaucoup de Sud-Soudanais expriment leur espoir d'une paix prochaine. A côté d'enfants qui allument des bougies, Sarah James Ajith, membre d'une association qui vient en aide aux femmes, croit à un avenir plus serein. «Nous avons tout perdu. Aujourd'hui, nous avons besoin d'un pays en paix. C'est la clé de tout, du développement, de l'éducation, de la santé. Mais cette paix doit venir de nous, et elle viendra.»
Une sérénité et un espoir qui tranchent avec les propos du jeune Quinine, 24 ans, originaire de l'Etat de Jonglei, où les violences ont été importantes. Le gouvernement et les rebelles font-ils assez pour s'entendre sur un accord de paix ? «Non», estime le jeune homme, qui regrette les dépenses liées à la commémoration de l'événement, alors que la population a besoin d'assistance.
3,8 millions de personnes souffrent de la faim
Aujourd’hui, selon plusieurs sources humanitaires, 2 millions de personnes sont déplacées, 8 millions –soit deux-tiers de la population – ont besoin d’assistance et 3,8 millions souffrent de la faim. Il s’agit d’une des plus graves crises humanitaires au monde. Mercredi, depuis Nairobi, Riek Machar a averti que cette guerre civile ne connaîtra pas de fin à moins d’une démission du président, Salva Kiir. Tous deux ont déjà signé sept cessez-le-feu. Tous ont été violés en quelques jours ou quelques heures.