Petit retour en arrière. En 1884, lors de la conférence de Berlin, dite du «partage de l'Afrique», la Namibie est placée sous protectorat allemand. Les Héréros, une puissante ethnie locale, commencent par collaborer avec les colons allemands en échange de produits européens. Leur rôle : prévenir toute tentative de rébellion des autres ethnies. Mais en dix ans, la maladie, les vols de leurs biens et de leurs femmes modifient la donne. Après avoir vainement tenté de rallier à sa cause les chefs d'autres ethnies, Samuel Maharero organise le soulèvement de son peuple. Soulèvement qui sera suivi peu après par celui du peuple namas et qui sera réprimé en masse par une armée emmenée par le pro-colonialiste Lothar von Trotha.
Camps de concentration
L'ordre reçu par les troupes est simple : «Chaque héréro qui se trouve sur le territoire allemand doit être fusillé sur le champ.» Certains seront fait prisonniers et déportés en train dans des camps de concentration, avant d'être tatoués sur le bras. Tous seront contraints aux travaux forcés. Des missionnaires témoignent d'avoir vu des Héréros parqués dans des enclos, «si maigres qu'ils s'effondraient. Les corps étaient brûlés sur place.»
La peur du parallèle
Pour Jakob Vogel, professeur d'histoire du colonialisme européen à l'Institut de Sciences Politiques, il n'y pas de doute possible : «L'une des principales raisons c'est la peur du parallèle avec le génocide des Juifs qui a une place immense dans l'histoire allemande. Et puis se pose la question des réparations qui devront être faites si le génocide est reconnu. L'Allemagne est tiraillée.» En 2004, un ministre allemand avait osé prononcer le mot. En son nom seul et pas en celui de l'Allemagne. Un mémorial aux Héréros et Namas tués existe à Berlin. A côté du mémorial aux victimes allemandes du soulèvement de 1904.
Mais dans les plus hautes instances de l’Etat, on fait le gros dos. Un diplomate haut placé a expliqué que le gouvernement ne discutait qu’avec le gouvernement namibien. Et de souligner aussi que l’Allemagne doutait de la représentativité de la délégation... car composée de beaucoup de Héréros, notamment le chef Vekuli Rukoro. «Les choses bougent», dit Jakob Vogel, «le génocide ne sera peut être pas reconnu aujourd’hui. Mais à moyen terme, il existera.»