Menu
Libération
EDITORIAL

Egoïsmes

publié le 13 juillet 2015 à 20h06

Des conditions imposées à la Grèce par l'Europe, celle de la «perte d'une partie de la souveraineté» a volé la vedette à la seule question qui devrait nous préoccuper : cet accord sortira-t-il les Grecs de la misère ? Ne balayons pas d'un revers de main les angoisses de souveraineté dans nos sociétés : par «souveraineté», il faut parfois entendre angoisse identitaire. Reformulons donc : perdre une partie de sa souveraineté, au sein de l'Union, est-ce si mal pour les peuples ? L'idée même d'Union européenne est une suite d'abandons de souveraineté. Parce qu'il fallait prouver que nous étions plus forts ensemble que divisés pour faire face aux défis de la fin du XXe siècle (mondialisation, changement climatique, Etat-providence…), il fallait des compromis entre Etats. Par souci d'efficacité, nous avons créé des institutions censées prendre des décisions transnationales, alors qu'elles n'en ont ni les moyens ni la légitimité. Mais les crises et les élargissements ont sacralisé les souverainetés. Beau résultat : en dix ans, l'Europe a perdu la moitié de son soutien dans les opinions publiques et empoisonné le débat sur l'avenir du modèle européen ! La longue crise grecque le rappelle pourtant : le problème vient des gouvernements qui forcent leurs partenaires, sans transparence, coûte que coûte, jouant leur partition et leurs positions de force plutôt que le compromis, empêchant ainsi toute évolution du projet européen. Comment sortir de cette spirale ? Les égoïsmes nationaux seront incapables de régler les défis d'aujourd'hui et de demain. Au contraire, la situation appelle plus à un approfondissement qu'au maintien du statu quo. Paradoxalement, la punition grecque pourrait nous faire comprendre qu'on a tout à gagner à perdre un peu de souveraineté nationale contre beaucoup de souveraineté collective. Cette leçon valait-elle le sacrifice grec ?