Que des opposants au président Yoweri Museveni soient détenus au poste de police durant quelques heures, cela n'a rien d'exceptionnel en Ouganda. Que deux de ses adversaires annoncés à l'élection présidentielle soient arrêtés le même jour, c'est en revanche plus rare. Amama Mbabazi et Kizza Besigye ont tous deux été interpellés jeudi matin par les forces de l'ordre car suspectés de se rendre à des meetings électoraux, avant d'être finalement libérés tard dans la soirée.
Qui sont Amama Mbabazi et Kizza Besigye ?
Les deux hommes sont d'anciens proches du président Museveni et ont récemment annoncé leur volonté d'être candidats à l'élection de 2016. Pour Kizza Besigye, ancien médecin personnel du Président et poids lourd du parti d'opposition Forum pour le Changement Démocratique (FDC), c'est un quatrième essai, puisqu'il a déjà été candidat aux trois dernières élections. Il a été interpellé à la sortie de son domicile devant les caméras des journalistes et, pour se défendre, a indiqué avoir un simple rendez-vous à l'ambassade américaine. Il a tout de même été emmené au poste de police.
Amama Mbabazi a été secrétaire général du parti présidentiel et a occupé la fonction de Premier ministre à partir de 2011 avant d'être limogé en septembre 2014 car il devenait un concurrent sérieux du Président. L'an dernier, il s'est opposé à l'investiture de Museveni par leur parti, le Mouvement de résistance nationale (NRM).
Pourquoi ont-ils été arrêtés ?
Amama Mbabazi était en route pour Mbale, il se rendait à un meeting censé se tenir le soir même, selon le quotidien ougandais The Observer, lorsqu'il a été interpellé. Une initiative réprimée par les forces de l'ordre. Le porte-parole de la police a justifié l'arrestation, selon l'AFP, en indiquant que Mbabazi a l'interdiction d'organiser des meetings électoraux depuis qu'il a annoncé son intention de se présenter le mois dernier. Le MRN, parti auquel il est affilié, ne soutenant pas sa candidature, ses ambitions ont été déclarées «illégales» par la police ougandaise.
Dans le cas de l'ancien colonel Kizza Besigye, désigné comme porte-drapeau de son parti début juillet en vue du scrutin présidentiel, il est plus encore difficile de justifier l'arrestation aux yeux de Nicholas Opiyo. Pour le président de Chapter Four, une association ougandaise de défense des libertés civiles, «monsieur Besigye est un candidat déclaré, il a le droit de faire des meetings». Il est cependant peu étonné des événements. «Je n'ai pas été surpris par ces arrestations – nous approchons de l'élection – mais par la façon dont elles se sont déroulées», a déclaré l'avocat.
Après avoir rempli des dépositions, les deux candidats ont été libérés dans la soirée de jeudi, sans charges retenues contre eux.
Est-ce la première fois ?
S'il s'agit de la première arrestation de l'ancien Premier ministre Amama Mbabazi, plusieurs de ses partisans ont été interpellés le mois dernier pour rassemblement et campagne électorale illégaux, avant son démarrage officiel, rapporte l'AFP.
Le statut d'opposant de Kizza Besigye lui a en revanche valu de multiples arrestations ces dernières années, notamment lors des manifestations antigouvernementales qu'il a tenté d'organiser, souvent interrompues par la police.
Pour Nicholas Opiyo, ces arrestations sont monnaie courante : «Ce n'est absolument pas la première fois que des opposants politiques du Président sont détenus. Ils sont arrêtés pendant quelques heures, une journée, puis relâchés. Ils ne sont jamais poursuivis en justice ou inculpés.» Un moyen de faire pression sur les opposants, sans s'exposer à de trop vives critiques.
Quelle est la situation politique ?
A moins d'un an des élections, les craintes que le président Museveni mette des bâtons dans les roues de ses adversaires s'accentuent. Arrivé à la tête de l'Etat en janvier 1986, il a de nouveau été désigné comme candidat à l'élection présidentielle par son parti, après trente ans au pouvoir. «Chaque fois, il tente de combattre les actions politiques de ses adversaires», affirme Opiyo. Ces derniers crient régulièrement à la fraude lorsque les résultats d'élections tombent (on vous en parlait déjà en 2011). Lors de sa dernière réélection, Museveni avait obtenu plus de 68% des suffrages.
Selon l’AFP, cinq partis d’opposition ont décidé en juin de former une coalition dans le but de défaire Museveni, affirmant que leur candidat commun n’effectuerait qu’un mandat en cas de victoire. Une technique déjà tentée lors des deux dernières élections. Sans succès.