Les chroniqueurs politiques israéliens se moquent volontiers du ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan (Likoud), parce qu'il répète à l'envi et balourdement ce que pense Benyamin Nétanyahou. Ces dernières semaines, il ne se passe pas un jour sans qu'Erdan ne dénonce l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien, «pas seulement parce qu'il met Israël en danger mais parce qu'il est mauvais pour l'Occident en général». «Un jour, les Etats-Unis et l'Europe vont se réveiller avec une République islamique qui dispose d'une bombe atomique en plus de soutenir des organisations terroristes comme le Hezbollah et le Hamas», affirme-t-il.
«Trous». Ces propos, les responsables de l'Etat hébreu les répètent sur tous les tons en faisant de nouveau planer la menace d'une frappe sur l'Iran. «Nous nous sommes engagés à ce que l'Iran ne devienne jamais [une puissance] nucléaire et cet engagement reste valable», lâche d'ailleurs Nétanyahou. Quant au ministre de la Défense, Moshé Yaalon, il estime que «l'accord de Vienne est mauvais et dangereux parce qu'il est parsemé de trous que Téhéran va utiliser pour renforcer son potentiel nucléaire». Et de menacer : «La nouvelle réalité étant ce qu'elle est, nous devrons désormais nous préparer à toute éventualité et à nous défendre par nous-mêmes.» Sous-entendu : sans demander l'autorisation de Washington. Porte-voix des faucons du Likoud, le ministre du Tourisme, Yariv Levin, se montre tout aussi explicite : «Qui va croire que les Iraniens se sont engagés à interrompre leur processus nucléaire militaire durant dix ans ? Pas nous, en tout cas. Il faut les empêcher par tous les moyens de devenir une puissance atomique.»
«Les dirigeants israéliens se sont faits depuis longtemps à l'idée que l'accord de Vienne était inéluctable. Donc, que l'équilibre du Moyen-Orient va changer puisque d'autres pays, tels l'Egypte, la Turquie et l'Arabie Saoudite, vont vouloir elles aussi développer un potentiel nucléaire», estime l'analyste Ehoud Yaari. «Pour Israël, les pays arabes voisins sont tellement focalisés sur leur situation interne qu'ils ne constituent plus un danger. Mais l'Iran, c'est autre chose. C'est donc sur ce pays, sur son influence régionale et sur ses activités clandestines que Jérusalem va concentrer son attention encore plus que par le passé», souligne-t-il. A l'exception de la Liste arabe unie (treize députés), tous les partis politiques israéliens sont unis dans la même condamnation de l'accord de Vienne.
«Surréaliste». Mais sur les bancs de l'opposition, on ne se prive pas pour dénoncer les méthodes de Nétanyahou. «Rappelez-vous son discours surréaliste devant le Congrès américain et ses déclarations inutilement offensantes pour Obama. Cette stratégie s'est soldée par un échec sur toute la ligne et par la dégradation de nos relations avec Washington», fulmine Yaïr Lapid, ex-ministre de Finances et leader du parti centriste d'opposition Yesh Atid («il y a un futur»). Ce qui ne semble pas décourager Nétanyahou de poursuivre sur la même ligne. Il compte sur les «amis d'Israël» au Congrès américain pour mettre un veto à l'accord.