Menu
Libération
L'histoire

Au Kenya, les athlètes marchent contre les violences intercommunautaires

Plusieurs sportifs de haut niveau vont parcourir 836 kilomètres à pied, afin de lever des fonds pour lutter contre les tensions qui endeuillent les villages du pays.
John Kelai, entouré d'autres marcheurs, tient la "torche de l'humanité", au départ de la Marche pour la paix à Lodwar, ans le nord du Kenya. (Photo Cleopatra Mukula Kryceve)
publié le 16 juillet 2015 à 19h29

Ils sont partis mercredi de Lodwar, dans le comté de Turkana, dans le nord-ouest du Kenya. Une dizaine d'athlètes, une torche semblable à la flamme olympique relayée de main en main en tête de cortège, a entamé une marche de 836 kilomètres vers le centre-ouest du pays, à raison de 40 kilomètres par jour en moyenne. «Il y avait plusieurs centaines de personnes au départ, c'était fantastique», se réjouit James Smith, président de l'ONG Aegis Trust qui est partenaire du projet.  Ils se sont donné vingt-deux jours pour rallier le lac Bogoria plus au sud, en passant par la vallée du Rift. Objectif : alerter sur les conséquences des tensions intercommunautaires.

Cette Marche pour la paix, c'est John Kelai qui l'organise, un marathonien kényan qui a décroché, entre autres, la médaille d'or aux Jeux du Commonwealth en 2010. Symbolique, elle vise à protester contre les actes de violence perpétrés entre les différentes communautés, rurales pour l'essentiel. Les conflits se sont multipliés depuis deux ans, avec une concurrence accrue pour l'accès à l'eau et aux terres, la possession du bétail ou la représentation politique de chaque communauté. John Kelai a lui-même souffert de ces tensions. Le champion kényan a perdu trois de ses oncles, tués par des voleurs de bétail lorsqu'il était plus jeune.

Plusieurs athlètes phares de la scène sportive kényane ont accepté de prendre part à la marche, comme Ezekiel Kemboi, double médaillé olympique au 3 000 mètres haies, ou Tegla Loroupe, détentrice de plusieurs records du monde et première Africaine à gagner le marathon de New York en 1994. La star de l'athlétisme éthiopien, Haile Gebreselassie, est également attendu pour les derniers kilomètres selon l'AFP. Le groupe a déjà parcouru plus de 45 kilomètres pendant la première journée, avant de reprendre la route dès 5 heures du matin ce jeudi à en croire le compte Twitter des organisateurs.

Si l'événement est symbolique, les marcheurs espèrent avant tout réussir à lever des fonds. Moins de quarante-huit heures après le coup d'envoi de la marche, près de 44 000 livres – soit 63 000 euros – avaient déjà été récoltées sur les 160 000 livres visées.

 Renforcer les liens entre communautés rivales

Les sommes récoltées devraient servir à lancer un programme de consolidation de la paix, où collaboreraient à la fois des éducateurs, diverses communautés et des instances gouvernementales. Pour John Kelai, il s'agit d'«inspirer et impliquer les jeunes issus de communautés rivales pour aider à briser les cycles de violence».

 

La course a été créée dans l'optique de renforcer les liens entre les communautés. «Lorsque les marcheurs passent la frontière de deux comtés aux relations parfois violentes, et passent la torche à un autre, c'est tout une symbolique», affirme James Smith. Prochaine étape : transformer l'événement en action durable pour recréer des contacts entre communautés rivales. «On s'attache à agir au niveau de la société civile, à petite échelle, déclare le dirigeant d'Aegis. Après la marche, une part du programme visera à rassembler les gens opposés dans des conflits, à développer des initiatives, notamment auprès des jeunes pour qu'il y ait un partage des histoires, de l'empathie qui émerge.»

Pour l'heure, les tensions restent vives. Selon les Nations unies, les incidents entre les villages où vivent différentes communautés ont augmenté en 2014 par rapport à l'année précédente. En mai dernier, 75 personnes sont décédées en quatre jours dans les comtés de Turkana et Pokot, dans l'ouest du pays, en lien avec des vols de bétail. Contrairement aux attaques terroristes, pour l'essentiel dans l'est du Kenya, ces violences ont lieu pour la plupart dans l'ouest et le nord du pays, engendrant le déplacement de plus de 220 000 personnes et plus de 300 décès l'an passé.