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Tsipras fait adopter le plan européen au Parlement grec

Quel avenir pour la Grèce ?dossier
Il a fallu le soutien de l'opposition pour faire adopter une série de mesures, concernant notamment la TVA ou les retraites. Une trentaine de députés de Syriza lui ont fait défaut.
Aléxis Tsípras le 15 juillet devant le Parlement à Athènes. (Photo Aris Messinis. AFP)
par AFP
publié le 16 juillet 2015 à 6h41
Le Premier ministre grec, Aléxis Tsípras, a réussi dans la nuit de mercredi à jeudi à faire adopter au Parlement les premières réformes exigées par les créanciers en vue d’un nouveau plan d’aide, mais a eu besoin de l’opposition pour atteindre le compte.

Ces mesures, concernant notamment des hausses de TVA, des mesures sur les retraites et l’adoption d’une règle d’or budgétaire, ont été adoptées par 229 voix pour, tandis que 64 députés ont voté contre et 6 se sont abstenus.

Si le parti de droite souverainiste Anel, qui gouverne avec le parti de gauche radicale Syriza d'Alexis Tsipras, a soutenu celui-ci avec sa douzaine de députés, des défections importantes ont été enregistrées dans le camp du Premier ministre. Ainsi, 39 députés lui ont fait défaut, votant contre (32), comme l’ex-ministre des Finances Yanis Varoufakis et la présidente du Parlement Zoé Konstantopoulou, s’abstenant (6) ou étant absents (1).

Cela fait perdre au Premier ministre sa majorité parlementaire (Syriza et Anel ont 162 sièges sur 300), sans qu’il en tire immédiatement des conséquences.

Echauffourées à l'extérieur

Le débat a commencé vers 21 heures heure locale alors que se déroulaient à l'extérieur des échauffourées entre plusieurs dizaines de jeunes gens casqués et masqués et la police. Une quarantaine de jeunes gens ont été arrêtés, et quelques personnes blessées.

Le vote de jeudi, intervenu environ une heure après la limite de minuit requise par les créanciers, est la première étape d’un parcours du combattant fixé à Athènes lundi matin par l’UE et le FMI, afin de lui permettre d’espérer un troisième plan d’aide d’au moins 80 milliards d’euros.

Poour convaincre les parlementaires d'adopter ces nouvelles mesures d'austérité, Aléxis Tsípras et ses partisans, tout en tenant fermement à un oui, n'ont pas survendu le projet. «Lundi matin à 9h30 (moment de la signature, ndlr) fut le pire moment de ma vie», a ainsi déclaré le nouveau ministre des Finances, Euclide Tsakalotos.

Aléxis Tsípras, pour sa part, a estimé que l'accord prévu, notamment parce qu'il donne de la visibilité pour trois ans, est meilleur que celui que les Grecs ont rejeté le 5 juillet à plus de 61% lors d'un référendum, qui ne portait que sur cinq mois. Le Premier ministre a admis «désapprouver le projet d'accord sur de nombreux points». «Mais c'était ça ou un défaut désordonné», a-t-il soutenu.

Syriza fissuré

L'accord de lundi et la perspective de son adoption par le Parlement grec a fissuré les rangs de la coalition de gauche Syriza. Dans la journée, la ministre adjointe des Finances Nadia Valavani a rendu son portefeuille. Quant à l'ex-ministre des Finances, Yanis Varoufakis, qui ne s'est pas exprimé devant le Parlement, il a comparé l'accord à «un nouveau traité de Versailles», et l'a reproduit sur son blog, entièrement annoté de critiques en rouge, écrivant aux internautes : «Lisez ça et pleurez !». Un peu plus tôt, une majorité des cadres de Syriza s'était déclaré publiquement en désaccord avec le texte, demandant au comité central de la coalition de se réunir en urgence.

Autre personnalité à voter non, le ministre de l'Energie Panagiotis Lafazanis a assuré pour sa part après le vote que Syriza, dont il est à l'aile gauche, continuait «uni, et soutenait toujours fortement le gouvernement». A la place du Premier ministre, a-t-il dit, «je continuerais à gouverner et à appliquer notre programme».

Le président par intérim du principal parti d’opposition Nouvelle démocratie, Evangelos Meimarakis, a indiqué lors de la discussion qu’il ne demanderait rien en échange du vote de ses députés, et a assuré après le vote ne pas solliciter de motion de censure.

L’actuelle faiblesse de l’opposition grecque pourrait permettre à Aléxis Tsípras de se tirer sans trop de dommages de ce vote gagné sans l’ensemble de son parti. Un sondage paru mardi indiquait de toute façon que, même en cas de remaniement de la coalition, les Grecs veulent le maintenir à la tête du pays à 68%.

Vers une discussion sur la réduction de la dette ?

Le Premier ministre s'est aussi félicité que l'accord «oblige pour la première fois les Européens à discuter d'une réduction de la dette» du pays, qui atteint 180% du PIB. Aléxis Tsípras peut invoquer le soutien du FMI, qui a fait sensation mardi en semblant mettre dans la balance sa participation au prochain programme d'aide à la Grèce, si les Européens, qui la détiennent en grande majorité, n'allègent pas celle-ci par des allongements de maturité spectaculaires, voire par une réduction pure et simple, dont ils ne veulent pas entendre parler pour l'instant.

Mercredi, la directrice générale du Fonds Christine Lagarde a déclaré avoir désormais «un peu d'espoir» d'être entendue.

Le Premier ministre français Manuel Valls s'est montré d'accord pour un «allègement», mais par «reprofilage», pas par réduction franche, mercredi devant les députés français qui ont eux aussi adopté, par 412 voix à 69, le nouveau projet d'accord pour la Grèce. Mais le texte doit encore passer devant des parlements plus réticents, comme l'allemand ou le finlandais.

Après le premier pas du vote de la nuit, réalisé en deux jours et censé démontrer aux créanciers que la Grèce d’Aléxis Tsípras est désormais un partenaire de négociations fiable, Athènes attend désormais jeudi un peu d’air, sous forme d’une aide d’urgence des Européens pour lui permettre de faire face à ses besoins immédiats.

Ils devraient en débattre lors d’un Eurogroupe par téléphone en fin de matinée. La Grèce compte beaucoup aussi sur un relèvement de l’aide d’urgence de la BCE aux banques grecques, jeudi, lors de la réunion des gouverneurs. Ces banques sont fermées depuis le 29 juin.