Pour son dernier jour de campagne, samedi, Pierre Nkurunziza a choisi d’assister à un match de football, dans le stade de son village natal de Buye, dans le nord du pays. Devant un millier de spectateurs, le président burundais apparaît tranquille. Dans sa région natale, le chef de l’Etat jouit encore d’une authentique popularité.
A l'exception de quelques récents affrontements qui ont opposé l'armée burundaise à de présumés groupes rebelles, les campagnes ont été relativement peu touchées par la crise initiée fin avril, à l'annonce de la candidature du Président à un troisième mandat. Mais au Burundi, l'histoire a montré qu'une étincelle peut enflammer tout le territoire. «J'ai peur, dit Cesaria Nizigiyimana, une cultivatrice, de Busiga, un village de la province de Ngozi. Si les gens se battent dans la capitale, cela peut s'étendre jusqu'ici.» Les esprits sont encore marqués par la guerre civile qui dura plus de dix ans et fit 300 000 morts. Et depuis que les radios indépendantes ont été réduites au silence, la rumeur a pris le pas sur l'information dans les zones rurales, où vit 80 % de la population.
L'opposition dénonce un harcèlement constant de la part des Imbonerakure, les jeunes du parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), qualifiés de «miliciens» par l'ONU. «Les intimidations ne sont pas neuves, elles ont commencé bien avant la campagne électorale», précise Thierry Vircoulon, chercheur à l'International Crisis Group. Dès le premier mandat de Pierre Nkurunziza, des militants de l'opposition ont été malmenés, victimes d'emprisonnements abusifs voire d'exécutions sommaires. «Mais, depuis deux ou trois ans, les Imbonerakure sont montés en puissance, pense le chercheur. Ils répriment les opposants, imposent un système de taxation obligatoire… Ils ont la main libre, puisqu'ils jouissent d'une impunité presque totale.» Dénonçant une «parodie», les partis d'opposition ont boycotté les élections législatives, qui se sont tenues le 29 juin et lors desquelles le CNDD-FDD a remporté 77 % des suffrages. L'ONU a estimé que celles-ci se sont déroulées «dans un environnement qui n'était pas propice à la tenue d'un scrutin libre, crédible et fédérateur» et craint que le pays soit «au bord d'une violence dévastatrice», alors que la présidentielle controversée doit se tenir ce mardi.