David Cameron était attendu au tournant. Présenté comme son discours le plus important sur la radicalisation, l'intervention du Premier ministre britannique a duré près d'une heure, au cours de laquelle il a détaillé les nouvelles mesures proposées par le gouvernement face au phénomène. Outre la proposition d'anonymat à vie pour les victimes de mariages forcés et la prise en charge de la «crise d'identité» chez certains Britanniques musulmans, David Cameron a insisté sur les risques de radicalisation parmi les jeunes.
Empêcher les jeunes de quitter le territoire
C'est dans une école de Birmingham que Cameron s'est exprimé, la radicalisation des jeunes constituant l'une des principales préoccupations du gouvernement. «Quand des groupes comme l'EI cherchent à acquérir nos jeunes à leur causes toxiques, ils peuvent leur offrir un sentiment d'appartenance dont ils manquent chez eux, les laissant plus susceptibles de se radicaliser ou d'être violents envers d'autres Britanniques, envers lesquels ils ne ressentent pas de vraie allégeance», a affirmé David Cameron. Afin de renforcer les liens entre jeunes issus de différents milieux sociaux et culturels, le Premier ministre a annoncé vouloir «aller plus loin pour inciter les écoles des zones les plus ségréguées à fournir un futur commun» aux enfants des différentes communautés. Parmi les propositions, la création de nouvelles écoles gratuites dans les quartiers les moins mixtes.
Surtout, le gouvernement britannique veut réagir aux départs de jeunes rejoignant l'Etat islamique en Syrie ou en Irak. La proposition phare, qui devrait être mise en place rapidement, prévoit d'autoriser les parents qui craignent une radicalisation de leur enfant à demander l'invalidation de son passeport, s'il a moins de 16 ans. Une plate-forme téléphonique sera mise en place à cet effet. Actuellement, les jeunes ne peuvent être interdits de sortie de territoire que s'ils sont sous tutelle judiciaire, ou si les parents font un signalement à la police, qui peut agir sous certaines conditions.
Contrer la communication des extrémistes
«Comme de nombreuses idéologies ayant déjà existé, qu'elles soient fascistes ou communistes, de nombreuses personnes, en particulier les jeunes, sont attirés par [l'extrémisme islamiste]», constate David Cameron. De fait, la propagande de l'Etat islamique sait manier les codes de communication, à grand renfort de vidéos promotionnelles vantant le jihad. Lutter contre la radicalisation, c'est donc avant tout «dé-glamouriser la cause extrémiste», estime Cameron, qui s'est adressé directement aux jeunes Britanniques tentés par l'EI : «vous ne serez pas estimés comme un membre du mouvement, vous êtes de la chair à canon pour eux. Ils vous utiliseront (...) voilà la réalité malade et brutale de l'EI.»
Le Premier ministre s'en est par ailleurs pris aux fournisseurs d'accès à internet, les accusant de ne pas faire assez pour identifier les terroristes potentiels en ligne. Il a ainsi pointé du doigt la collecte des données personnelles à des fins commerciales, en soulignant que «lorsqu'il s'agit de faire ce qui est juste dans la lutte contre le terrorisme, nous entendons trop souvent que c'est trop difficile. Je suis désolé, mais je n'y crois pas.» Internet, plate-forme privilégiée de radicalisation ? Le débat agite le Royaume-Uni comme il fait réfléchir la France. Car ce sont les jeunes qui y sont davantage exposés, et au Royaume-Uni, ils sont de plus en plus nombreux à partir faire le jihad, ou faire office d'épouse en ce qui concerne les jeunes femmes, comme le rappelle le Guardian. Les services de police estiment que 700 personnes se sont rendues dans des camps de l'EI. La moitié d'entre elles seraient revenues depuis sur le sol britannique, selon la BBC. La télévision britannique estime par ailleurs que les moins de 25 ans constituent la majorité des Britanniques soupçonnés d'être en Syrie ou en Irak, de même qu'ils comptent pour la majorité de ceux morts pendant les combats.