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Libération

Pour la première fois, l’Etat islamique tue en Turquie

publié le 20 juillet 2015 à 19h56

Un véritable carnage, au moins 30 morts : selon les autorités turques l’attentat suicide qui a secoué lundi à midi la petite ville de Suruç, près de la frontière syrienne, aurait été commis par l’Etat islamique (EI). Si cette piste était confirmée, il s’agirait du premier attentat commis par l’EI en Turquie, accusée de laisser passer par sa frontière sud aussi bien des armes que des hommes pour les terroristes opérant en Syrie.

Le groupe jihadiste n’avait toujours pas revendiqué lundi soir cette opération menée par un kamikaze dans un jardin du centre culturel Amara alors que de nombreux jeunes militants de l’Association des jeunes socialistes et des activistes de la cause kurde y étaient réunis. Les autorités, comme la plupart des spécialistes, n’ont néanmoins guère de doute. Peu après cette première explosion, une autre attaque à la voiture piégée a visé à quelques kilomètres de là un barrage de sécurité établi par les milices kurdes dans le sud de Kobané, la petite ville syrienne devenue le symbole de la résistance kurde l’automne dernier. Après quatre mois d’intenses combats, l’EI a dû se retirer en janvier, subissant son premier revers militaire. Cette attaque est aussi un clair avertissement aux autorités turques, qui depuis quelques mois ont commencé à resserrer les contrôles dans les aéroports et à sa frontière pour empêcher le transit par son sol des recrues étrangères de l’EI en route vers la Syrie. Ankara a d’ailleurs toujours récusé les critiques de ses alliés occidentaux sur son laxisme face aux jihadistes partant combattre en Syrie, affirmant en avoir arrêté ou expulsé au moins 2 000 depuis 2013.

L’EI, une menace pour la Turquie ? L’évidence même. Si les autorités ont longtemps préféré éluder la question, considérant que la prise de contrôle d’une grande partie du nord de la Syrie par le PYD (principal parti kurde syrien lié au PKK qui mène la lutte armée contre Ankara depuis 1984) est plus dangereuse pour la sécurité nationale. Cela explique les réticences d’Ankara à l’automne dernier à aider les combattants kurdes de Kobané qui affrontaient l’EI. La barrière qui s’étend le long des 900 kilomètres de frontière turco-syrienne est d’ailleurs renforcée dans les zones kurdes. Dont les combattants n’ont pas hésité à mener des opérations contre les jihadistes avec les troupes du régime syrien. Cela contribue à nourrir la méfiance vis-à-vis du PYD éprouvée par le gouvernement truc, qui veut à tout prix renverser Assad. Ankara commence néanmoins à prendre conscience de l’ampleur du danger EI et des jihadistes, alors même que 3 000 Turcs seraient partis se battre en Syrie.