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Libération
Florilège

Un candidat à la Maison Blanche, ça Trump énormément

En pleine campagne pour la présidentielle de 2016, le milliardaire républicain multiplie déclarations polémiques et phrases lapidaires.
Donald Trump en conférence de presse le 10 juillet à Beverly Hills, entouré de familles ayant été victimes d'immigrants illégaux. (Photo Frédéric J.Brown. AFP)
par Morgane Heuclin-Reffait et Camille Malnory
publié le 20 juillet 2015 à 16h39

Donald Trump est entré dans la course à la présidentielle il y a un mois, mais ses déclarations controversées constituent déjà l'essentiel de sa campagne. Au point que le milliardaire républicain est devenu un véritable mème sur les réseaux sociaux, que lui-même utilise largement. Sur Twitter ou dans ses discours, il conspue ses adversaires, s'illustre par des affirmations erronées. Sélection d'un mois de campagne déjà bien rempli.

Le tacle des adversaires

John Mc Cain «n'est pas un héros de guerre»

Lorsque Donald Trump ne s'en prend pas au président Obama, il n'hésite pas à s'en prendre allègrement à des membres de sa propre famille politique quand ces derniers expriment leur désaccord. Samedi, c'est le sénateur John Mc Cain, candidat à l'élection de 2008, qui en a fait les frais pour avoir osé critiquer les propos de Donald Trump sur l'immigration.

«Ce n'est pas un héros de guerre. C'est un héros de guerre parce qu'il a été capturé», a ainsi affirmé l'homme d'affaires au sujet du sénateur Mc Cain, ajoutant qu'il aimait «les gens qui n'ont pas été capturés». Une petite phrase qui a provoqué des remous aux Etats-Unis, où les anciens combattants font l'objet d'un grand respect. John Mc Cain, pilote pendant la guerre du Vietnam, a été tenu captif pendant cinq ans et demi sous la torture, après que son avion a été touché par un missile. Les adversaires de Donald Trump ont exprimé vivement leur désapprobation, certains rappelant par la même occasion que celui-ci avait réussi à éviter la guerre grâce à de nombreux sursis.

Le gouverneur du Texas devrait «passer un test de QI»

Donald Trump n'aime pas non plus ses adversaires dans la course à la Maison Blanche. Suite à ses déclarations sur les problèmes de sécurité à la frontière américano-mexicaine, le gouverneur du Texas et candidat Rick Perry a répliqué : «Ce que Monsieur Trump propose ce n'est pas du conservatisme mais du Trumpisme, et c'est un mélange toxique entre démagogie et imbécillité.» Ni une ni deux, Trump assassine son adversaire sur Twitter en proposant que Perry passe un test de QI avant de participer aux débats du Parti républicain. Après tout, ce dernier a échoué «avec les problèmes de frontières».

Pour bénéficier de l'Obamacare, il faut être renversé par un tracteur

L'Obamacare, qui incite les citoyens américains à obtenir une assurance santé auprès de compagnies régulées et subventionnées par l'Etat, a régulièrement subi le feu des critiques du Parti républicain. Donald Trump a à son tour dénoncé le coût trop élevé des franchises, qui ne permettraient pas aux Américains d'en bénéficier. «Les coûts augmentent de 29, 39, 49 voire 55%», a-t-il ainsi affirmé lors de l'annonce de sa candidature.

S'il est vrai que les tarifs d'assurance augmentent en raison de la hausse des coûts des médicaments, ce sont surtout les personnes bénéficiant de contrats premiums qui sont touchées, comme le rappelle Politico. Donald Trump exagère quelque peu les hausses, notamment lorsqu'il affirme qu'«il faut être renversé par un tracteur, littéralement, un tracteur, pour utiliser l'Obamacare, car les franchises sont si élevées qu'il est virtuellement inutile».


«Let's Make America Great Again»

Donald Trump s'est également donné pour mission de redonner aux Etats-Unis leurs lettres de noblesse, effacées selon lui par des années de Barack Obama. Il veut revaloriser son armée et ses vétérans, ses entreprises et ses frontières. Il en fait même son slogan de campagne — «Let's Make America Great Again» — et tweete beaucoup à ce propos, rappelant qu'il faut «construire un mur pour bloquer les immigrants».

Ou qu'il faut revaloriser l'armée.

Mais son slogan devient aussi un appel au boycott de ses détracteurs.


Les boulettes


Les Mexicains sont «des meurtriers et des violeurs»

Le 16 juin, alors que Donald Trump prononce son discours de candidature à la présidence des Etats-Unis depuis la Trump Tower à New York, il évoque tout en finesse l'un de ses chevaux de bataille : l'immigration clandestine aux Etats-Unis. «Quand le Mexique nous envoie ses habitants, il ne nous envoie pas les bons […], ils ramènent de la drogue, des crimes, ce sont des violeurs.» Avant de tout de même nuancer son propos en signalant que certains sont sans doute «gentils».

Cette déclaration suscite aussitôt la polémique. Le ministre de l'Intérieur mexicain, Miguel Angel Osorio Chong, a parlé de déclarations «absurdes». Le pays s'est également retiré du concours Miss Univers 2016 — appartenant à Trump — afin d'exprimer son désaccord. La chaîne de télévision NBC, qui diffusait jusqu'alors les concours de beauté Miss USA et Miss Univers, organisés par Trump, a annoncé officiellement peu de temps après qu'elle «rompait tout contact avec lui». La chaîne Macy's, qui commercialisait la marque de vêtement Trump's Menswear Collection, a annoncé la fin de sa collaboration avec l'homme d'affaires. Contre toute attente, Donald Trump tient bon et n'hésite pas à réaffirmer ses propos. Interrogé par CNN, il dit ne «regretter aucunement ses paroles». Et d'ajouter qu'il s'agit de bon sens : «Le Mexique ne veut pas de ces gens-là, donc il nous les envoie. Les dirigeants américains sont des incapables donc ils les acceptent.» Implacable.

Un tweet avec des nazis pour célébrer l'Amérique

En républicain patriote, Donald Trump aime à célébrer la grandeur des Etats-Unis. Pour illustrer cette dernière, le candidat à la présidentielle 2016 a posté un montage photo sur Twitter, dans lequel sont associés drapeau américain, dollars, Maison Blanche et soldats américains… Ou du moins ce qu'il pensait être des soldats américains.

Les hommes en uniforme sont en réalité des Waffen-SS, comme l'a remarqué l'ancien analyste de la NSA John Schindler. Le tweet a été supprimé et l'équipe de campagne a affirmé à l'AFP qu'un stagiaire était responsable de cette erreur. Trop tard pour que la polémique n'enfle pas.


«En compétition» avec Daech

Avant d'être un politique, Donald Trump est avant tout un homme d'affaires milliardaire, comme il aime à le rappeler dans ses discours. Son entrée dans la course à la présidentielle ne lui a visiblement pas fait perdre de vue ses préoccupations financières. Dès son discours de candidature, il s'est inquiété du pouvoir économique acquis par le groupe Etat islamique. «Ils sont devenus riches. Je suis en compétition avec eux», a-t-il déclaré. «Ils viennent de construire un hôtel en Syrie. Est-ce que vous pouvez le croire ?» Pas vraiment, et cette déclaration est d'ailleurs inexacte.

Le site de fact-checking américain Politifact souligne que le groupe terroriste n'a fait qu'investir un établissement abandonné en Irak pour loger des commandants de leur troupe. Le candidat républicain n'a donc aucune raison de s'indigner du fait que lui, contrairement à l'Etat islamique, doive payer des intérêts pour créer un hôtel. D'autant qu'à en croire l'une de ses interviews fin mai sur Fox News, l'EI ne devrait plus être un problème : Donald Trump affirme posséder la méthode pour vaincre le groupe «rapidement et efficacement»… mais refuse de la dévoiler car il «ne souhaite pas que l'ennemi sache ce qu'[il] prévoit de faire».

Les Etats-Unis, nouveau tiers-monde ?

L'éducation aux Etats-Unis, pire qu'au Vietnam

Pour Donald Trump, le déclin des Etats-Unis se traduit aussi par le système éducatif du pays. «Nous sommes 26au niveau mondial, 25 pays sont meilleurs que nous en éducation. Et certains sont des pays du tiers-monde», s'alarme-t-il. Au-delà de sa hantise du spectre du «tiers-monde», le candidat républicain extrapole quelque peu le nombre de pays en voie de développement qui dépassent les Etats-Unis sur ce terrain. Business Insider s'est penché sur le classement du «programme pour l'évaluation internationale des étudiants», un outil de l'OCDE qui mesure le niveau des jeunes de 15 ans en mathématiques, sciences et lecture. Les Etats-Unis ne sont effectivement pas dans la tête du classement, oscillant entre la 35e et la 24place sur 65. Mais, à l'exception du Vietnam, ce sont des pays développés, en majorité de l'OCDE, qui les dépassent.

LaGuardia, l'aéroport qui pèche

Redorer l'image des Etats-Unis passe aussi par ses infrastructures. Toujours dans le cadre de son discours de candidature à la présidentielle du 16 juin, Donald Trump indique qu'il compte rebâtir les infrastructures américaines. «Il faut reconstruire nos ponts, nos routes et nos aéroports», précise-t-il. Avant de se fendre d'un petit exemple : «on arrive à l'aéroport de LaGuardia (New York City), on a l'impression d'être dans un pays du tiers-monde.» Sa sortie a été moyennement appréciée, notamment par la ville de New York. Comme l'écrit le New York Dailynews, «maintenant, c'est Donald Trump contre New York». Le journal rappelle que la ville a dépensé près de 600 millions de dollars pour remplacer le Willis Avenue Bridge dans le Bronx. Les New-Yorkais s'insurgent d'autant plus que Trump est new-yorkais depuis toujours. «Je n'arrive pas à croire qu'il ait dit ça, s'exclame James Vacca, membre du comité des transports. La ville est souvent critiquée mais lui a toujours vécu ici. J'espérais qu'il ne fasse pas du "New-York shaming" pour se mettre en valeur.»


Donald Trump, maître de l’Amérique

Roi des lobbyistes

Le lobbying, notamment celui des armes, est extrêmement puissant aux Etats-Unis et fait totalement parti du paysage politique. Au point de parfois enterrer certaines décisions du Congrès.

Donald Trump connaît son pays et les rouages du système. Nanti de 4,1 milliards de dollars (plus de 3,7 milliards d'euros) de fortune personnelle selon Forbes, à la tête d'un immense empire immobilier, la Trump Organisation, il n'a pas peur des groupes d'influence : il les dirige et ne s'en cache pas. «Les politiciens sont dirigés par les lobbyistes et les donateurs. Moi j'ai des lobbyistes. J'ai des lobbyistes qui feraient n'importe quoi pour moi.»

La punchline bonus

«Je serai le meilleur président pour l'emploi que Dieu ait jamais créé.» En toute modestie.