Pour une fois, Angela Merkel va se réjouir d’une décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Les juges ont jugé ce mardi inconstitutionnel l’élément le plus contesté de sa politique familiale, une «prime aux fourneaux» imposée à la chancelière par son petit partenaire de coalition bavarois, la CSU. Cette loi très controversée, en vigueur depuis 2013, est considérée comme archaïque par la majorité des Allemands.
Depuis l’entrée en vigueur de la «prime aux fourneaux», du temps de la majorité CDU-CSU-FPD, les familles qui choisissent de ne pas confier leurs jeunes enfants de moins de 3 ans à une crèche collective touchent 150 euros par mois et par enfant. La mesure est populaire auprès des parents, surtout dans le sud du pays. 455 000 enfants sont concernés par ce salaire parental. L’augmentation du nombre des bénéficiaires a été rapide : en avril, ils n’étaient que 386 000.
Mesure jugée rétrograde
Mais la mesure n’a pas que des adeptes : du SPD à Die Linke en passant par les Verts, la «prime aux fourneaux», comme on l’appelle couramment dans le pays, est dénoncée, accusée de cantonner les femmes au foyer : ce sont elles qui, dans la plupart des cas, se chargent de la garde des jeunes enfants.
La ministre sociale-démocrate de la Famille, Manuela Schwesig, dénonce pour sa part une mesure injuste : elle dissuaderait les familles modestes ou issues de l’immigration de confier leurs enfants à une structure de garde — payante dans la plupart des Länder — malgré les bénéfices prouvés de la collectivité pour leur développement et leurs chances d’ascension sociale.
Claque pour la CSU
Jusque dans les rangs de la CDU, on s’oppose à cette rétrogradation de la politique familiale allemande, dont le coût est colossal, empêchant bien des Länder de poursuivre le développement de leur réseau de garde collective. A titre personnel, Angela Merkel était opposée à cette mesure, tout comme son ancienne ministre de la Famille, la charismatique Ursula von der Leyen, qui avait massivement soutenu le développement des crèches allemandes. Mais la chancelière a dû céder face à Horst Seehofer. Le chef de la CSU, catholique et bavaroise, avait fait de la prime au fourneau l’un des axes de son action dans le précédent gouvernement conservateur-libéral.
Pour Horst Seehofer, dont le parti est en perte de vitesse, c’est un nouveau coup dur, après l’arrêt d’un autre projet phare de la CSU, l’instauration d’un péage autoroutier pour les seuls conducteurs étrangers. La mise en application de cette mesure avait été stoppée début juillet face aux avertissements de la Commission européenne. Incapable de se profiler dans la nouvelle majorité, la CSU doit céder du terrain au niveau national au SPD, dont les réformes ont marqué la première moitié de la législature : instauration d’un salaire minimum, de quotas féminins à la tête des entreprises, d’un système d’encadrement des loyers dans les villes sous tension immobilière… Ces lois populaires ont toutes été imposées par le SPD à Angela Merkel lors de la négociation de l’accord de coalition à l’automne 2013.