Menu
Libération
analyse

Lutte contre Boko Haram : Buhari repart de Washington avec 2,1 milliards

En visite officielle, le président nigérian a obtenu un prêt sous condition. Mais pas d'armes américaines.
Muhammadu Buhari à Washington mercredi. (Photo Brendan Smialowski. AFP)
par Celia Guillon
publié le 22 juillet 2015 à 19h15

La Banque mondiale a levé ce mercredi 2,1 milliards de dollars (1,9 milliard d'euros) de fonds pour soutenir le nord du Nigeria, aux prises avec Boko Haram. Depuis l'investiture du président nigérian Buhari, le 29 mai, plus de 750 personnes auraient perdu la vie dans des attaques terroristes, selon un comptage de l'AFP.

Le président a néanmoins regretté mercredi le refus des Etats-Unis de fournir des armes aux troupes nigérianes en raison «de soi-disant violations des droits de l'homme» dont elles se rendent coupables. Les forces de sécurité nigérianes sont «largement impuissantes» face à Boko Haram car elles «ne possèdent pas les armes et les technologies appropriées qu'ils pourraient avoir si ces soi-disant violations des droits de l'homme n'étaient pas un obstacle», a-t-il ajouté, selon l'AFP.

Eradiquer la pauvreté

Le prêt de 2,1 milliards est octroyé par l'Agence internationale du développement. Il aurait pour but de «reconstruire le nord-est du Nigeria, ravagé ces six dernières années par l'insurrection de Boko Haram», selon un communiqué du porte-parole de Muhammadu Buhari. Les chantiers sont nombreux : infrastructures à reconstruire, situation sanitaire à stabiliser, relogement de «près d'un million» de personnes déplacées.

Pourquoi financer le développement et la reconstruction de la région alors que la menace est loin d'être endiguée ? C'est un soft power que le président nigérian souhaite développer. Il veut affaiblir Boko Haram en détruisant l'environnement qui joue en sa faveur : les villes aux infrastructures fragiles et à la population pauvre. Mais sortir de leur situation critique les villes les plus pauvres est un objectif qui se mesure en dizaine d'années, un luxe que ne peut se permettre le Président dans une région aux prises avec les attaques incessantes du groupe terroriste.

Ces 2,1 milliards de dollars peuvent être utiles pour cette opération, mais le prêt n'est pas assuré. Les fonds «pourraient» être versés «après concertation avec les autorités nigérianes sur leurs priorités», a confié le porte-parole de la Banque mondiale à l'AFP. S'il est accordé, le prêt laisserait du temps au pays pour mener à bien son combat contre Boko Haram et entamer les reconstructions : les intérêts ne s'appliquent pas les dix premières années. 

Des caisses «pratiquement vides»

Le président nigérian reconnaît que les caisses du pays seraient en ce moment «pratiquement vides». Mardi, il a donc lancé une autre bataille pour récupérer l'argent issu du détournement du pétrole. Le secteur représente 52% du PIB du pays, d'après le site de la diplomatie française, et la perte annuelle s'élève à 6 milliards de dollars, selon Reuters. Buhari s'est engagé, lors de son allocution à l'ambassade du Nigeria à Washington, à «pister et rapatrier cet argent» et à poursuivre les auteurs des détournements.

Quant à l'aspect militaire de la lutte, Muhammadu Buhari l'avait abordé lundi avec un article dans le quotidien américain Washington Post où il explique sa tactique de défense contre Boko Haram : «Nos nouveaux chefs militaires n'ont pas été choisis pour leurs accointances avec les membres du gouvernement, comme c'était trop souvent le cas par le passé, mais pour leur bonne réputation et leurs qualifications», écrit-il. En réponse aux «voix [qui] s'élèvent déjà, disant que les choses vont trop lentement», il demande du temps : «Je ne saurais marteler suffisamment l'importance [d'établir de nouvelles règles et une meilleure gestion du Nigeria] et que ce processus se fasse correctement, tout comme il a été crucial d'instaurer une gestion correcte dans les domaines militaires avant de nous lancer dans la bataille contre Boko Haram.»