La jeune chanteuse américaine Taylor Swift avait déjà réussi à faire plier le géant Apple dans sa croisade pour la rémunération des artistes. La star de 25 ans est en train de réussir un autre tour de force : distribuer sa ligne de vêtements appelée «1989» en Chine où toute référence au massacre des étudiants sur la place Tiananmen, à Pékin, le 4 juin 1989, est implacablement censurée.
On ne sait pas si en annonçant, lundi, la commercialisation des robes, tops, sweat-shirts, parfois siglés «TS 1989», par le numéro 2 du e-commerce chinois, JD.com, la chanteuse a goûté l'ironie. Car on a beau chercher au fil de ses interviews, aucun geste politique n'y est assumé ni même suggéré. «1989», le titre de son dernier album, est son année de naissance, «TS» ne sont que ses initiales et non une allusion à «Tiananmen Square», le sujet de l'album est «la ville de New York» et la chanson Bad Blood («Mauvais sang») ne parle que d'amour.
Le but de la manœuvre est très prosaïque : distribuer sa propre marque de vêtements en Chine permet de lutter contre la contrefaçon et l'utilisation frauduleuse de son nom, dans un pays où masques antipollution, guitares faussement dédicacées et copies de baskets à l’effigie de Taylor Swift se vendent comme des petits pains. Ces vêtements porteront un code permettant de contrôler leur authenticité.
Il faut dire que l’Américaine, qui a dominé l’industrie de la musique en 2014, rencontre un immense succès en Chine. Sa décision de retirer ses chansons des sites de streaming gratuit, l’automne dernier, avait généré une immense frustration de ses millions de fans. Lesquels se sont précipités sur la billetterie à l’annonce du passage de son «1989 Tour» à Shanghai: les tickets, vendus jusqu’à 4 280 yuans pièce (630 euros), se sont arrachés en dix-huit minutes pour les concerts du 10 au 12 novembre 2015.
Le site Buzzfeed s'était déjà amusé l'an dernier à détourner la pochette de son album sorti le 27 octobre 2014 aux Etats-Unis, sous le label Big Machine Records.
Le site Chinamusicbusiness s'était permis un double sens l'automne dernier en titrant son article sur la difficulté de supprimer les titres en écoute gratuite : «Ne parlez pas de 1989 : Taylor Swift se bannit toute seule en Chine.»
Aujourd'hui, c'est le site d'information en anglais Shanghaiist qui relève l'ironie du «titre d'un récent album qui, comme certains observateurs attentifs de la Chine l'ont souligné, correspond à une certaine date sensible marquant l'anniversaire-qui-ne-doit-pas-être-nommé». Shangaiist relève que les pièces de la collection de vêtements qui risqueraient de chatouiller le plus les censeurs n'apparaissent pas sur la vidéo promotionnelle distribuée en Chine, sans qu'on sache s'ils seront distribués ou non lors du lancement de la collection à Pékin, le 8 août.
T.S. = Taylor Swift or Tiananmen Square? pic.twitter.com/t4gwvgROJX
— Fergus Ryan (@fryan) July 22, 2015