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Libération
Analyse

Bachar al-Assad reconnaît la «fatigue» de son armée

Dans un rare discours, le raïs admet que les forces loyalistes ne peuvent plus défendre toute la Syrie.
Bachar al-Assad, le président syrien, lors de son discours à Damas, dimanche. (Photo AFP)
publié le 27 juillet 2015 à 15h43

D'un dictateur qui pratique une langue de bois dure comme le chêne et ne concède en général aucune défaite, l'aveu que son armée est «fatiguée» et qu'elle manque de «ressources humaines» est pour le moins inattendu. C'est vrai que Bachar al-Assad a aussi assuré, dans un discours prononcé dimanche à Damas, qu'elle était néanmoins capable de «vaincre», mais ce n'est pas ce que retiendront les observateurs. «Le problème auquel font face les forces armées n'est pas lié à la planification mais à la fatigue. Il est normal qu'une armée soit atteinte de fatigue, mais il y a une différence entre la fatigue et la défaite», a-t-il notamment souligné dans une allocution devant un parterre de représentants d'organismes économiques et retransmise à la télévision. «Le mot défaite n'existe pas dans le dictionnaire de l'armée syrienne», a-t-il ajouté sous les applaudissements, oubliant que cette même armée n'avait jamais gagné la moindre guerre dans toute son histoire.

Ce discours intervient alors qu’une vaste campagne publicitaire vient d’être lancée pour appeler les citoyens à rejoindre une armée qui, faute d’effectifs suffisants, n’est plus à même de se battre sur tous les fronts. D’où un certain nombre, ces derniers mois, de reculs et de défaites, les plus significatives étant la perte de la province d’Idlib (nord-ouest) et de la cité antique de Palmyre, qui est aussi une importante ville carrefour du centre du pays, à partir de laquelle il est possible pour les jihadistes de lancer des raids sur les grandes villes de Homs et de Hama (ouest).

Possible partition du pays

Le dictateur syrien a d'ailleurs reconnu que son armée, épuisée par quatre années de guerre face à un ennemi supérieur en nombre, de mieux en mieux armé et capable d'une meilleure coordination, n'était plus à même de tenir tout le pays. «L'armée ne peut se trouver dans chaque bout de territoire. […] Parfois, nous concentrons l'arsenal et l'armée dans une région importante, mais cela se fait aux dépens d'autres endroits, qui deviennent plus faibles. Nous sommes obligés, dans certaines circonstances, d'abandonner certaines régions pour transporter nos troupes vers la région à laquelle nous sommes attachés», a-t-il ainsi expliqué, faisant ainsi allusion à ce que les experts appellent «la Syrie utile» – la région côtière de Lattaquié, les villes centrales de Damas, Hama et Homs, la montagne alaouite – et une possible partition du pays.

Même pour défendre ces régions vitales pour la survie du régime, il faut toujours plus de combattants à une armée qui a en perdu beaucoup. Ainsi, près de 50 000 soldats et plus de 30 000 miliciens prorégime ont été tués depuis le début du conflit, soit un tiers des 230 000 morts comptabilisés au total par l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). D'où l'appel du président syrien pour que soient prises «des mesures spécifiques pour augmenter [l'effectif des troupes] afin de mener à bien les missions urgentes». Samedi, il avait déjà pris un décret accordant l'amnistie sous condition pour les déserteurs et ceux qui ont refusé de faire leur service militaire. Il a aussi encouragé à la formation de milices : «Dans certaines régions, les habitants ont porté les armes avec l'armée et cela a eu un impact plus décisif dans la bataille.»

Le discours du raïs peut aussi apparaître comme une invitation à ses alliés – le Hezbollah libanais, l'Iran et l'Irak – à envoyer davantage de volontaires et de miliciens sur le terrain syrien pour faire face à la menace rebelle. Car, sur la question des négociations, le raïs n'a pas évolué. Il a continué d'assimiler toute l'opposition à des terroristes. «Tant que le terrorisme fait partie de l'opposition extérieure qui participe au dialogue […], parler de solution politique ne serait que des paroles creuses. Toute proposition politique qui n'est pas fondée sur la lutte contre le terrorisme serait vide de sens», a-t-il martelé en référence à l'opposition en exil soutenue par les pays du Golfe et les pays occidentaux.