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Libération

Les Kurdes jouent la carte du territoire

Si les forces du YPG ont combattu ces jours-ci aux côtés de l’armée loyaliste pour reprendre la ville de Hassaké à l’Etat islamique, ils ne comptent désormais que sur eux-mêmes pour défendre leurs terres.
Members of the Kurdish People's Protection Units (YPG) drive through a road in the Al-Nashwa neighbourhood in the northeastern Syrian province of Hasakeh on July 26, 2015. Syrian government troops and Kurdish forces advanced against Islamic State group fighters in the northeastern city of Hasakeh, the Syrian Observatory for Human Rights and state media said. AFP PHOTO / DELIL SOULEIMAN
publié le 30 juillet 2015 à 20h46

L’alliance, de circonstance, a fonctionné. Mardi, les forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), venues en renfort de l’armée syrienne, ont chassé l’Etat islamique (EI) qui tentait de prendre Hassaké, dans le nord-est de la Syrie. Les jihadistes avaient attaqué la partie de la ville tenue par le gouvernement (l’autre est contrôlée par les Kurdes) un mois plus tôt. Les combats ont fait près de 290 morts, dont plusieurs chefs, dans les rangs de l’EI.

Indépendance. En règle générale, dans le canton de Djézireh, forces kurdes et soldats du régime de Bachar al-Assad ont plutôt tendance à s'ignorer. A Qamishlé, le gouvernement conserve par exemple le contrôle de l'aéroport. Mais les militaires postés autour des murs d'enceinte ne s'aventurent pas dans les quartiers kurdes. Ailleurs dans le canton, les forces loyalistes n'interviennent pas non plus lorsque des combats opposent des miliciens du YPG à des jihadistes de l'Etat islamique, comme ce fut le cas au printemps dans une série de villages proches de la rivière Kabbhour. Cette inaction est régulièrement dénoncée par les brigades chrétiennes, qui y voient la preuve que le régime ne les défend pas.

Dans le chaos syrien, les Kurdes du Parti de l’union démocratique (PYD), la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), revendiquent leur neutralité. A la différence des rebelles sunnites, leur objectif n’est pas de faire tomber le régime de Bachar al-Assad mais de consolider et d’administrer leurs trois cantons, qui bordent la frontière turque.

Cette prise de contrôle, et cette indépendance de fait, est le résultat de la politique du président syrien. Au printemps 2011, afin d’éviter que les Kurdes ne rejoignent la révolution, il a autorisé Mohammed Saleh Mouslim, le président du PYD exilé en Irak, à rentrer en Syrie. A la même époque, il a également promis de donner aux Kurdes qui le demandaient la nationalité syrienne. Peu à peu, le PYD s’est imposé face aux autres partis kurdes qui avaient rejoint le Conseil national syrien, la coalition des opposants à Bachar al-Assad. Les rebelles du nord syrien ont observé avec méfiance cette prise de contrôle, sans toutefois intervenir, trop occupés à combattre les soldats et les miliciens du régime.

Cibles. Longtemps à l'écart du conflit, les combattants du YPG ont été rattrapés par la guerre en 2013, et surtout en 2014, à mesure que les jihadistes de l'Etat islamique s'imposaient dans le nord-est. Les Kurdes figurent parmi leurs premières cibles. L'épisode le plus sanglant reste l'assaut sur Kobané, lancé à l'été 2014. En quelques semaines, les jihadistes s'emparent de la plupart des villages qui entourent la ville. Kobané est infiltré et semble sur le point de tomber. Les Kurdes reçoivent finalement le soutien de la coalition, qui bombarde des positions de l'Etat islamique, et des peshmergas, qui envoient des renforts du Kurdistan irakien. Depuis le début de l'assaut, les Kurdes étaient aussi soutenus par plusieurs centaines de rebelles arabes sunnites, issus de l'Armée syrienne libre.