Menu
Libération
EDITORIAL

Tentation

publié le 30 juillet 2015 à 20h46

La coalition internationale contre l’Etat islamique réunit une soixantaine de pays même si seulement une quinzaine d’entre eux participent effectivement aux opérations. C’est néanmoins considérable et à la hauteur du défi représenté par ce groupe déjà présent, au travers de «franchisés», dans quelque 30 pays. Mais dans une région en plein chaos où l’ami de mon ami est moins que jamais nécessairement mon ami, ni l’ennemi de mon ami inévitablement mon ennemi, chacun des grands acteurs de l’alliance suit son propre objectif. L’écrasement de l’EI est la priorité de Washington, qui tendrait désormais à ménager le régime d’Al-Assad. Son départ reste en revanche l’objectif premier de Paris, qui souligne sa complicité objective avec l’EI. Quant à Ankara, finalement entré en lice, il cible au moins autant les combattants kurdes du PKK que les jihadistes que ces derniers affrontent au sol avec l’appui de l’aviation américaine. L’imbroglio est donc total. Toute solution négociée du conflit syrien semble en outre dans l’impasse alors que l’Iran, même après l’accord sur le nucléaire, ne semble guère disposé à réduire son soutien à Damas. Les experts reconnaissent qu’il sera impossible d’écraser l’EI sans des forces au sol qu’aucun des coalisés ne veut déployer, sauf peut-être la Turquie qui cherche à instaurer une «zone protégée» - de l’Etat islamique comme des bombes du régime - au nord d’Alep, coupant en deux la région kurde. D’où la tentation de miser sur une alternative sunnite comme l’Armée de la conquête, soutenue par Riyad, Ankara et le Qatar, recyclant des jihadistes d’Al-Qaeda aux côtés de salafistes et de Frères musulmans. Ce jeu est dangereux, comme le rappellent de nombreux précédents dont celui de la Libye et de l’Afghanistan. A la fin, ce sont trop souvent les plus radicaux qui emportent la mise.