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Ferguson : le policier toujours droit dans ses bottes

Un an après la mort de Michael Brown, Darren Wilson a expliqué au «New Yorker» mener une «existence tranquille» dans le Missouri et ne pas se sentir responsable des émeutes raciales qui ont éclaté après son geste.
Darren Wilson, le policier qui a tué Michael Brown. (Photo Mladen Antonov. AFP)
publié le 5 août 2015 à 16h07

Le 9 août 2014, Michael Brown, 18 ans, était tué de six balles, dont deux à la tête, par un policier blanc à Ferguson dans le Missouri. Un an après avoir abattu le jeune adolescent noir, non armé au moment des faits, Darren Wilson, 29 ans, fait l'objet d'un long portrait dans le New Yorker de cette semaine.

Darren Wilson, qui vit aujourd'hui incognito dans le Missouri, a été démis de ses fonctions, mais pas poursuivi en justice. En novembre, un grand jury avait décidé de ne pas l'inculper, une décision qui avait provoqué un tollé, avant d'être approuvée en mars par le ministère fédéral de la Justice, pour qui il n'y avait pas assez de preuves.

Selon les propos recueillis par le journaliste de l'hebdomadaire américain, l'ex-policier, qui avait déjà affirmé «avoir la conscience tranquille» dans une interview à ABC en novembre 2014, ne se sent pas responsable des émeutes raciales qui ont éclaté à Ferguson après sa bavure. Preuve de son détachement, Darren Wilson n'a pas lu le rapport accablant du ministère de la Justice américain sur la police de Ferguson, rendu public en mars. «Je ne vais pas continuer à vivre dans le passé après ce que Ferguson a fait. Je n'ai aucun contrôle sur cela», explique-t-il.

L'ancien agent de police ne fait pas non plus preuve de compassion à l'égard de Michael Brown. Et impute même la mort de l'adolescent à son éducation. «Est-ce que je pense à qui il était en tant que personne ? Pas vraiment, parce qu'à ce stade, cela n'a pas d'importance. Est-ce que je pense qu'il a eu la meilleure éducation ? Non. Pas du tout», dit-il. Affecté dans un quartier défavorisé de St Louis au début de sa carrière, Darren Wilson a confié à un de ses collègues avoir ressenti un «choc culturel». Il lui demande alors de l'aider, car lui a «cette connexion» avec les Noirs. Et ajoute : «Tu es blanc, mais ils te respectent. Pourquoi est-ce que moi ils ne me respectent pas ?»

«Ce n’est pas une question de race»

Malgré les émeutes raciales qui ont suivi la bavure policière, Darren Wilson se défend de tout racisme. «Quand un policier débarque, on entend "attention, il y a les flics", pas "attention, des flics blancs", se justifie-t-il. Tout le monde s'empresse de dire que c'était une question de race. Ce n'en est pas une.» Il raconte une interpellation menée sur de jeunes Noirs et glisse : «Ils sont tellement empêtrés dans une culture différente…» Sans expliciter sa pensée. Sur la situation économique de Ferguson, Darren Wilson reconnaît qu'«il y a une pénurie d'emplois», avant de poursuivre : «Il y a aussi un manque d'initiative pour en trouver. On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif.»

L'ancien policier vit aujourd'hui avec son épouse, également une ancienne de la police, dans la périphérie de Saint-Louis, près de Ferguson, où il a dû déménager après avoir reçu des menaces de mort. Il a acheté une maison avec les 500 000 dollars de dons envoyés par des anonymes, qui ont fait de lui un «héros» après l'événement. Son nom ne figure pas sur l'acte de propriété de la maison. Le couple se fait le plus discret possible, sort rarement et dit fréquenter uniquement des lieux «où les gens ont les mêmes idées que nous». Darren Wilson a installé des caméras de surveillance reliées à son portable pour éviter toute intrusion dans sa propriété. Quand elle a accouché en mars, sa femme a été admise anonymement à la maternité, par peur des représailles.

Malgré cela, il dit mener une existence «très tranquille». L'ex-policier a reçu des milliers de lettres de soutien, dont l'une dit : «Merci de nous protéger.» Dans son salon, un tiroir, avec des dizaines d'insignes de police, envoyés par des confrères. En revanche, aucun ne lui a proposé de poste. Après plusieurs entretiens d'embauche infructueux, Darren Wilson estime que son passé le rend «inemployable».