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Libération

Après les attentats d’Istanbul, les risques de l’engrenage entre Turcs et Kurdes

publié le 10 août 2015 à 20h16

Istanbul a été visé par deux attentats lundi, alors que le gouvernement intensifie sa campagne contre le PKK. Ces attaques risquent de mettre à mal le processus de paix amorcé il y a près de trois ans. La portée réelle des deux opérations, pour spectaculaires qu’elles soient, est restée limitée. L’une, un attentat-suicide avec une voiture piégée, visait dans la nuit un poste de police. Dix personnes ont été blessées, dont trois policiers. Une bataille rangée a ensuite opposé les assaillants à la police toute la nuit. Outre le kamikaze, deux militants ont été tués dans les affrontements.

La seconde, dans la matinée, ciblait le consulat américain. Deux personnes ont ouvert le feu de loin, et les policiers ont aussitôt répondu aux tirs, blessant l’un des assaillants, une jeune femme arrêtée peu après. L’attaque a été revendiquée par un groupe d’extrême gauche, le Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C).

La première attaque porte la marque du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la guérilla kurde en lutte contre Ankara depuis 1984. Ce conflit a fait déjà plus de 40 000 morts. Quelques heures plus tard, à Sirnak, petite ville à majorité kurde du Sud-Est limitrophe de l’Irak et de la Syrie, un engin explosif placé au bord de la route détruisait un véhicule blindé de la police, tuant ses quatre occupants.

Ces opérations de la guérilla kurde répondent aux raids aériens turcs qui, depuis le 24 juillet, ciblent les positions du PKK aussi bien en Irak que dans les montagnes de l’Est de la Turquie. La «guerre contre le terrorisme» lancée par Ankara est censée viser aussi bien les jihadistes de l’Etat islamique que les rebelles kurdes. Mais ceux-ci sont l’objectif principal de l’armée turque, qui a affirmé dimanche avoir tué depuis le début de leurs opérations 390 combattants du PKK, même si un tel bilan est impossible à vérifier.

Ces attaques risquent de donner le coup de grâce au processus de paix amorcé à l’automne 2012 par des négociations directes entre des représentants du président islamo-conservateur turc, Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre, et le leader emprisonné du PKK, Abdullah Ocalan, condamné à perpétuité. Mais si les risques d’escalade sont bien réels, chacune des parties engagées dans ce bras de fer semble encore vouloir éviter l’irréparable et un embrasement.